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René Sanson : le navigateur devenu capitaine d’entreprise

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René Sanson : le navigateur devenu capitaine d’entreprise | business-magazine.mu

Il est à la tête de MSC Mediterranean Shipping Company (Mauritius). Dans le même temps, il cumule les fonctions de président de SOS Village et de consul honoraire d’Autriche à Maurice. À 70 ans, le commandant René Sanson ne compte pas tirer sa révérence de sitôt.

Chevelure poivre et sel, vêtements impeccables, courtoisie désarmante, René Sanson a l’élégance du parfait gentleman. Il est surtout un homme posé et réfléchi qui cherche les mots justes pour raconter son parcours, du petit garçon originaire de Quatre-Bornes au commandant de navire qui a fait le tour du monde.

«Ma carrière est basée sur la chance», dit-il d’emblée. Puis, immédiatement, il s’excuse pour d’éventuels problèmes d’élocution. «J’ai fait une thrombose cérébrale à 47 ans. J’avais perdu le sens de la parole et j’ai dû apprendre à nouveau à parler», confie-t-il.

Après cet épisode, son cardiologue et son neurologue lui conseillent de prendre sa retraite. Mais l’inlassable bûcheur qu’il est passera outre les recommandations de ses médecins. Pendant les deux mois qu’il restera inactif, il transmet les instructions de son lit d’hôpital. «J’étais chez Rogers à cette époque-là, le PDG était conciliant et il ne m’a pas remplacé tout de suite. Je voulais à tout prix recommencer à travailler même si cela équivaudrait à mourir sur place», relate-t-il.

René Sanson est né le 20 septembre 1946 dans une famille modeste. Son père était fonctionnaire au ministère de la Pêche et touchait juste ce qu’il fallait pour subvenir aux besoins de sa femme et de ses cinq enfants. L’enfance de René Sanson se passera sur les bancs de l’école RCA Saint Enfant Jésus RCA à Rose-Hill. À 10 ans, il prend part aux examens de la petite bourse et lorsque tombent les résultats, il est troisième au niveau national et est admis au Collège Royal de Curepipe. Comme un bonheur ne vient jamais seul, sa sœur aînée Janine qui réessayait la petite bourse l’obtient également. Cette bourse couvrait les frais d’écolage, du transport ainsi que des livres. «En sus de cela, le gouvernement accordait Rs 25 par boursier mensuellement. Ce qui a soulagé grandement mes parents financièrement en ce qui concerne ma sœur et moi», dira-t-il.

Ses parents étant très pieux, ils espéraient secrètement voir leur fils endosser la soutane, mais le cœur de René Sanson battait pour la marine. Il voulait y faire carrière et se donnera les moyens de ses ambitions. En dernière année de Higher School Certificate (HSC) – pendant les vacances d’août – il ose téléphoner au directeur de Rogers Shipping. Celui-ci lui accorde un entretien de dix minutes et lui demande de revenir le voir une fois qu’il aura terminé ses études secondaires. «Le jour où j’ai terminé mon dernier examen de HSC, je l’ai appelé et il m’a reçu tout de suite. Le lendemain, j’étais à bord à sept heures et le navire a levé l’ancre dans la soirée», raconte-t-il. Il sera alors un apprenti et mettra le cap sur Madagascar. Puis, en janvier 1966, il embarque sur un long-courrier pour l’Angleterre.

René Sanson restera trois ans sur ce bateau à sillonner les mers du globe. Les premières années, il découvre le Japon, la Nouvelle-Calédonie ainsi que toutes les îles du Pacifique. Quand le bateau accostait un port, il descendait et allait visiter le pays. Entre-temps, il économise son argent et entreprend dans un premier temps des cours par correspondance. Il étudiait à bord. En 1969, il décroche son Brevet de 1er Lieutenant au King Edward VII de Londres. Pour ses deux autres brevets, il les fera au Sir John Cass.

Ses brevets de navigation, René Sanson les a obtenus du premier coup. Ce qui lui a valu d’être remarqué par le principal de l’institution qui lui conseille de faire son diplôme de premier cycle. Mais voilà, les études supérieures coûtent cher. Le principal lui suggère alors de demander à la compagnie pour laquelle il travaillait de financer ses études. Il lui propose même d’intercéder en sa faveur auprès du PDG de Rogers. Mais à cette époque, il fallait passer par Cables and Wireless et attendre au moins deux heures pour avoir la ligne. Ce qui découragera le principal.

«Je me suis alors rendu dans le bureau de Rogers de Londres pour informer que j’ai réussi mes examens et pour savoir sur quel bateau j’embarquerais. En sortant du bureau du directeur qui était Marc Pitot, j’aperçois alors sir René Maingard, le PDG de Rogers, dans les locaux. La chance était trop belle pour ne pas la rater. J’ai alors pris son numéro de téléphone à Londres et je suis retourné au collège pour le remettre au principal», se rappelle clairement René Sanson. Ensuite, il s’embarque sur la Belle Rive et arrive à Los Angeles quatre mois plus tard. Il reçoit alors une lettre de Rogers lui annonçant que l’entreprise financera ses études. Et c’est ainsi qu’il entamera des études de BSc en Nautical Studies auprès de l’Université de Plymouth.  

En 1971, René Sanson épouse Gritta, une Allemande. Le mariage est célébré à Maurice le 19 octobre et il devait s’embarquer sur la Belle Ile comme second du capitane le 20 novembre. Mais la Belle Ile lève l’ancre bien plus tôt que prévu, soit trois jours après son mariage. «Je suis alors allé voir la direction de Rogers Shipping pour expliquer ma situation. Je ne pouvais quitter ma femme seule ici. J’ai alors demandé la permission d’emmener mon épouse à bord avec moi. À cette époque, il n’y avait que le commandant qui jouissait de ce privilège. Mais on a accédé à ma requête et ma femme a passé neuf mois à bord avec moi à faire le tour du monde», raconte-t-il.

René Sanson a pas mal bourlingué sur toutes les mers du monde. Il fera même le pôle Nord. Il garde surtout en mémoire une escale à Tsamkong et à Dalian, de la République de Chine du temps de Mao. L’équipage était constamment surveillé par les gardes rouges, se souvient-il.

Une fois revenu définitivement à terre, René Sanson a occupé les fonctions de directeur technique de la flotte chez Rogers Shipping. Actuellement, il est le Chief Executive Officer de  MSC Mediterranean Shipping Company (Mauritius). De plus, depuis 1989, il œuvre inlassablement au sein de SOS Village dont il est le président non-exécutif. Mais il ne compte pas s’arrêter de sitôt. Adorant son métier, il ne compte pas tirer sa révérence avant ses 75 ans.