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Se préparer pour la quatrième révolution digitale

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Se préparer pour la quatrième révolution digitale | business-magazine.mu

Le secteur des Tic ou plutôt le secteur de l’information et du numérique a connu un développement fulgurant à partir des années 2000 et compte 750 entreprises avec pas moins de 23 000 emplois directs après une dizaine d’années, selon le Board of Investment.

Aujourd’hui, ce secteur, qui a enregistré une croissance moyenne de plus de 5 % au cours des dix dernières années, est le troisième pilier de l’économie avec une contribution au PIB d’environ 6 %. Cependant, il est appelé à avoir une bien plus grande influence sur notre société avec ce qu’on pourrait appeler la révolution digitale ou sinon la «4e révolution industrielle» (terme utilisé par Pierre Nanterre, le PDG d’Accenture, l’un des instigateurs de cette révolution digitale) qui est en marche.

En quoi la révolution digitale ? Toujours selon une analyse du PDG d’Accenture, il y a plusieurs manières de voir le développement digital dans le monde, selon une matrice globale : par pays, par industrie, et surtout par la nature de cette révolution. Celle-ci peut être analysée en trois vagues : tout ce qui concerne son impact sur la relation avec le client et le consommateur, la révolution à l’intérieur de l’entreprise, et la révolution digitale concernant l’Internet des objets. Aujourd’hui, le digital est partout, surtout avec cette dernière phase où il s’invite dans tous les produits et services.

Jacques Rivière, directeur général délégué d’OCEAN, entreprise spécialiste en solutions de géolocalisation, évoque deux enjeux radicalement différents, concentrant la majorité des interrogations : d’abord, les nouveaux business qui se montent ex-nihilo, portés uniquement par le numérique, et ensuite, la transformation des entreprises elles-mêmes.

Si ces deux enjeux sont dissemblables, les adresser demande toutefois la même réflexion de fond pour l’État, les entreprises, et la nécessité d’une vision sur le long terme. Lorsqu’on évoque la transformation numérique des entreprises, l’on a souvent tendance à en parler au passé, comme d’une vague qui a déferlé sur l’ensemble de l’économie et bouleversé nos habitudes de travail et de consommation. Or, nous n’en sommes qu’au début, et les plus grands changements sont encore à venir.

Cet environnement digital se déploie par vagues. La première concernait tout ce qui relevait de la relation client : le développement des sites web, l’e-commerce. Sa maturité est déjà très avancée dans les pays développés. La deuxième – comment utiliser ces technologies pour digitaliser une entreprise – change fondamentalement la manière de travailler et de fonctionner des organisations. Puis, arrive la dernière, naissante, avec la digitalisation des produits, que l’on appelle l’Internet des objets, où on est en train de mettre de l’intelligence et du digital dans tous les produits et services : lunettes, cravate, voiture, pipeline… tout ça deviendra intelligent.

Cette révolution est la plus puissante, car elle permet la création de nouveaux modèles économiques, avec un horizon presque infini. Pour l’instant, elle porte plusieurs noms – l’Internet industriel, l’Internet des objets – mais tout cela relève de ce que nous appelons la digitalisation des opérations et des produits. Elle impacte les métiers de l’intelligence digitale dans tous les domaines. Cette transformation-là, encore à ses balbutiements, est en cours dans le monde.

À Maurice, on peut dire qu’on a abordé seulement la première vague et qu’on est au tout début de ce grand bouleversement et qu’il reste encore tout à venir. On parle de la 4e révolution industrielle car il ne s’agit pas d’une évolution de la 3e révolution industrielle vers plus d’informatisation et d’automatisation, mais vraiment d’une révolution en tant que telle, parce qu’elle fait deux choses : elle transforme le monde de l’entreprise et la société.

C’est cette transformation sociétale qui se produit avec une vitesse et une violence de rupture sans précédent historique, combinée à l’impact tout aussi important sur l’entreprise, qui caractérise cette quatrième révolution industrielle. Elle concerne l’ensemble des acteurs économiques, politiques, de la société civile, de l’éducation, des économistes.

Le numérique amène aussi à s’interroger sur l’impact qu’il peut avoir sur le business model de tous les secteurs. Il est important qu’on réfléchisse rapidement sur un nouveau modèle économique pour Maurice dans son ensemble et vienne rapidement avec des stratégies et un plan cohérent pour qu’on puisse aborder cette phase de notre développement sereinement, que ce soit dans le public ou les entreprises du privé.

Le cas d’Uber est symbolique de cette révolution : cette start-up américaine, fondée en 2009, menace après quelques années d’existence, le secteur traditionnel des taxis dans de nombreux pays. L’approche des nouveaux acteurs consiste à mettre en relation des fournisseurs dispersés et des clients via des plateformes informatiques de services et produits accessibles en ligne ou grâce à des applications pour smartphone.

Ainsi, les particuliers ont la possibilité de partager leurs véhicules pour du covoiturage (Blablacar), de louer leur logement (Airbnb). Ils deviennent de fait les partenaires de ces nouveaux entrants, bousculant les modèles économiques classiques. Cette désintermédiation (suppression des intermédiaires traditionnels) provoquée par le numérique impacte aussi la plupart des secteurs industriels traditionnels.

Nos entreprises à Maurice ne seront pas épargnées par ce phénomène. Il convient donc de revisiter les business model dans ce contexte et d’analyser les risques, mais également voir en quoi les technologies clés peuvent offrir des opportunités de développement.

Les entreprises doivent s’interroger sur leur chaîne de valeur : sur combien de maillons repose mon métier ? Sur quelle partie se fera mon business dans les prochaines années ? Chaque entreprise doit ainsi imaginer son propre modèle, quitte à en faire cohabiter plusieurs pour une même activité, et chaque marché cible doit être adressé avec un business model adapté et évolutif.

Les deux challenges qui se présentent à nous comme pays, c’est premièrement de développer un écosystème de l’innovation et, deuxièmement, la formation ou plutôt la mise à disposition des ressources adaptées aux entreprises. On a souvent l’habitude de parler d’innovation uniquement sous un angle technologique. Or, dans bien des métiers, bien plus que la technologie, c’est surtout la façon de gérer la relation client et le prospect qui a fondamentalement changé.

Au-delà du numérique, qui reste un outil et non un but en soi, l’innovation doit donc s’appliquer avant tout aux processus, aux métiers et à l’organisation des entreprises. La plus-value d’un service ne réside donc plus dans le savoir, aujourd’hui accessible à tous via Internet dans de nombreux cas, mais dans l’organisation et la méthodologie pour s’attaquer à ses différents marchés. Les entreprises innovantes doivent s’appuyer sur la force des écosystèmes d’innovation pour franchir les différentes étapes de leur parcours d’innovation et de croissance, peu importe leur taille et leur secteur.

Finalement, le déploiement des technologies, la création et le développement des start-up et l’amélioration de la compétitivité ont besoin de s’appuyer sur un vivier de compétences à tous les niveaux. Nos écoles ainsi que nos universités devront rapidement s’adapter aux exigences d’un secteur qui évolue rapidement pour répondre aux besoins de l’économie en ressources qualifiées.

Par ailleurs, les industriels doivent aussi prendre conscience des nouvelles compétences techniques et culturelles à acquérir pour pouvoir se saisir des nombreuses opportunités. La transformation de la société par le numérique l’y incite d’ailleurs. Par exemple, le Big Data est une véritable opportunité de croissance et de création de valeur, pour l’économie numérique en général. Cela implique de nouvelles compétences techniques (hardware, logiciel Open source…) car la façon de faire de l’informatique est nouvelle, massivement parallèle et centrée sur les données. Un changement de culture de travail, agile et collaborative, est également nécessaire pour favoriser la démarche expérimentale qui caractérise le Big Data, car la programmation des systèmes est différente, en boucle fermée et de façon adaptative, en incluant ses clients ou utilisateurs dans cette boucle.

Ainsi, au sein des entreprises, des efforts considérables doivent être faits pour offrir aux employés des opportunités de formation continue leur permettant de s’adapter aux mutations technologiques et d’étendre leur champ de compétence. Une gestion des ressources humaines proactive peut alors leur proposer des évolutions de carrière. Une organisation de la formation tout au long de la vie
au sein des entreprises et des bassins d’emplois permettrait d’aider les écosystèmes à s’adapter aux mutations technologiques et à l’évolution des qualifications nécessaires.