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Philippe Hitié : un pacte républicain pour l’industrie touristique

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Philippe Hitié : un pacte républicain pour l’industrie touristique | business-magazine.mu

Maurice est à la veille de fêter ses 50 ans d’Indépendance et les 26 ans d’accession au statut de République. En cinq décennies, les Mauriciens qui ont cru en l’avenir d’une île souveraine ont réussi de grandes choses… Ils ont sorti leur pays du sous-développement, réformé l’agriculture, se sont lancés dans l’industrie du textile, vaincu le chômage de masse, diversifié les secteurs d’activité et élevé le niveau de vie en faisant de Maurice un paradis pour investisseurs et une destination qui attire les stars.

Avec de tels résultats, on serait presque tenté de se reposer sur ses lauriers, sans se soucier des lendemains. Et l’on aurait tort! C’est le cas pour le tourisme, un secteur couronné de succès, mais qui doit se projeter résolument vers l’avenir en regardant bien au-delà des beaux lagons turquoise qui contribuent tellement à faire sa réputation.

C’est d’ailleurs le message que nous envoient un grand nombre de nos partenaires étrangers. Constamment à l’écoute des marchés, connaissant les désirs de consommateurs à la fois très exigeants et plutôt volages, les spécialistes de la destination mauricienne savent parfaitement que si nos gentils visiteurs apprécient les atouts de notre île, sont sensibles à ses charmes, ils n’hésiteront pas non plus à s’envoler vers d’autres horizons si la beauté se fane, le sourire disparaît et si la qualité des prestations n’évolue pas dans le bon sens.

Maurice est un pays, une nation, depuis bientôt 50 ans. Mais tous les Mauriciens n’ont pas encore intégré le fait que leur île-archipel est devenu avant tout une destination touristique. Même si notre sucre et nos produits textiles nous font vivre, même si nos services financiers ou nos centres d’appels augmentent notre valeur ajoutée, ce sont bien la beauté des sites, la douceur des plages, la qualité des structures d’hébergement, le niveau du service et, surtout le sens de l’accueil de la population qui font de l’île Maurice ce qu’elle est aujourd’hui. En somme, voilà déclinée en plusieurs facettes, l’essence même de cette industrie dont nous parlons : Maurice est tourisme.

Certains (les professionnels du tourisme dans leur grande majorité) l’ont compris et le vivent au jour le jour, se donnant beaucoup de mal pour garder la qualité et maintenir le niveau du service et de l’accueil. Mais il y a encore trop de Mauriciens, et parmi eux certains de nos dirigeants insouciants, qui ne font pas ce qu’il faut – ou qui font ce qu’il ne faut pas – pour élever notre niveau. Ce qui a pour résultat de nous maintenir éloignés de ce niveau auquel nous pouvons légitimement aspirer, si seulement nous faisions ce qu’il fallait.

Mais il n’est jamais trop tard. Car Maurice reste un joyau, certes encore à l’état brut, mais qui, à l’issue d’un vigoureux exercice de polissage, atteindrait le statut incontesté de pierre précieuse.

Nous ne pouvons plus nous contenter d’un tourisme au jour le jour. Il nous faut aujourd’hui développer une véritable stratégie touristique inscrite dans la durée, disons sur dix, voire quinze ans, qui soit indépendante des gouvernements qui se succèdent dans la logique d’un mécanisme démocratique bien rodé et reconnu mondialement. Nous devons appliquer un plan concret de développement qui définisse le degré de polissage applicable aux multiples facettes du «Joyau île Maurice».

Autrement dit, afficher la volonté de rendre l’île plus belle, c’est-à-dire plus propre et mieux aménagée. Adopter plus de rigueur et de discipline dans notre approche envers la clientèle, envers nos partenaires, envers la concurrence. Mettre en place des mécanismes nationaux de sensibilisation au tourisme et au rôle de tout un chacun, qui lui soit  lié de près ou de loin.

Cette stratégie devra avoir des implications à court, moyen et long termes par rapport à l’aménagement du territoire – qui comprend aussi les îlots et les îles éparses de la République, nous l’oublions trop souvent – et de nos infrastructures dans leur ensemble, à la connectivité au niveau portuaire et aéroportuaire, au développement hôtelier, à la formation de nos jeunes, à la valorisation de tous les métiers du tourisme, à l’amélioration de nos savoir-faire, à la sauvegarde de notre sens de l’accueil ou encore à la valorisation de notre patrimoine culturel qui est le fondement même de notre industrie touristique.

Ce sont là quelques pistes, mais pour qu’une telle stratégie soit opérationnelle, il est plus vital de déterminer son mode opératoire que l’étendue de son contenu (que tous les professionnels du tourisme connaissent), tout en maintenant un partenariat fort entre les secteurs public et privé.

À la veille des 50 ans de notre nation, il est temps de sceller un pacte républicain, unissant l’industrie dans son ensemble (plus de 100 000 emplois directs et indirects, plus les familles…), la population et l’État afin de sauvegarder ce patrimoine commun qu’est le tourisme. Il est temps de conclure un accord solennel entre la population dans toutes ses composantes culturelles, l’industrie dans toute sa dimension socio-économique, et l’État garant des valeurs qui constituent la nation mauricienne.