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Parole d'experts Rencontre

L’An 1

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cover business magazine 1481

Il y a un an, un micro-organisme s’invitait dans notre existence plongeant le monde dans le chaos. Incapable d’endiguer la propagation du nouveau coronavirus, l’humanité, malgré tous ses progrès sur le plan scientifique, a été contrainte de recourir à des pratiques moyenâgeuses pour assurer sa survie, à savoir, le confinement et la quarantaine. Grâce à ce mur derrière lequel on s’est retranché, on a pu limiter le nombre de décès à environ 2,6 millions. Mais le coût économique est autrement plus désastreux. Car le Grand confinement a donné lieu à la pire récession économique depuis la Grande dépression, dixit le Fonds monétaire international (FMI).

Paradoxalement, si l’économie mondiale ne s’est pas complètement effondrée, c’est grâce à la crise de 2007-2008 qui aura mis à nu les défaillances du système financier mondial et, indirectement, a poussé les institutions internationales à mettre en place des mécanismes bien rodés pour exercer un contrôle extrêmement strict sur la provenance et le mouvement des capitaux. Il faut bien le reconnaître : la pilule a été dure à avaler pour tout le monde, en particulier pour Maurice qui, tour à tour, a dû se conformer au FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), au CRS (Common Reporting Standard) et au BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) et adopter la norme comptable IFRS, laquelle impose aux banques de mieux surveiller leurs portefeuilles de prêts et de faire des provisions adéquates pour les pertes de crédit. Ces efforts inlassables ont permis de consolider notre secteur financier bancaire et non bancaire. Si bien que quand la crise de Covid-19 nous est tombée sur la tête et que la machinerie a grippé, il y avait suffisamment d’argent dans les coffres pour abreuver l’économie mondiale de liquidités.

Un an après l’éclatement de la crise, l’on se remet toujours difficilement du choc. Étant donné sa dépendance du secteur touristique, qui directement et indirectement contribue à hauteur de 23 % du PIB, et de la zone Euro (celle-ci s’est contractée de 7,2 % en 2020, selon les dernières Perspectives économiques mondiales du FMI), Maurice a enregistré une contraction de 15,2 % de son PIB l’année dernière. Soit une destruction de valeur de plus de Rs 70 milliards. Reconstruire notre édifice nécessitera à n’en point douter un effort titanesque.

Mais aujourd’hui, grâce au début de la campagne de vaccination, les espoirs sont permis quant à une reprise de l’économie dans le courant du second semestre. Mais il n’y a pas de temps à perdre. Plus vite on vaccinera la population, plus vite on sera immunisé contre la pandémie et rompra la chaîne de transmission. Les dix nouveaux cas d’infections détectés en fin de semaine et la panique que cela a provoqué au sein de la population nous rappellent à quel point nous sommes vulnérables psychologiquement. Quoique la peur d’être contaminée soit légitime et que la santé publique demeure une priorité absolue, il n’empêche qu’on ne pourra pas éternellement vivre dans un enclos. Il est crucial qu’on sensibilise le public à l’urgence de se faire vacciner. Car il s’agit non seulement de se protéger soi-même et ses proches, mais aussi de penser à l’intérêt supérieur de la nation et ne pas hypothéquer son avenir. Et c’est aussi aux leaders, aux capitaines d’industrie, de sonner la révolte et de susciter un élan national. À Business Mauritius, on se dit prêt à donner le bon exemple. En outre, l’organisation patronale étudie les différentes options pour accélérer l’exercice de vaccination. Notamment en rendant le service vaccinal disponible dans les cliniques privées.

«À Business Mauritius, on se dit prêt à donner le bon exemple»

Il est temps qu’on prenne le taureau par les cornes et qu’on se concentre sur la construction ou plutôt la reconstruction de la nouvelle île Maurice. Il faut jeter les bases pour un nouveau modèle économique qui répondra aux enjeux de demain : le changement climatique, une croissance plus inclusive, la disruption numérique et le protectionnisme, entre autres. Et qu’on se le dise: la tâche sera extrêmement ardue, surtout quand on sait que l’économie mauricienne reste à flot grâce aux espèces sonnantes et trébuchantes de la Banque de Maurice et, qu’en dépit du fait que nos réserves représentent l’équivalent de 13,4 mois d’importation, notre stabilité financière ne tient qu’à un fil. La décision de Moody’s d’abaisser la note souveraine de Maurice d’un cran de Baa1 à Baa2 en raison d’un taux d’endettement public élevé (autour de 80 % du PIB) et de l’affaiblissement de notre économie et de notre capacité budgétaire est certainement un élément à ne pas prendre à la légère. Cela doit rappeler au Trésor public que les réserves de change ne sont pas inépuisables et que les banques, bien qu’étant bien capitalisées avec un Capital adequacy ratio bien supérieur à la norme réglementaire de 12,88%, opèrent dans un environnement précaire avec deux risques majeurs : un niveau de défaut de paiement élevé qui donnerait lieu à une crise du crédit et un éventuel exode des dépôts du Segment B (international) découlant d’une perte de confiance des investisseurs suivant une présence prolongée sur la liste noire de l’Union européenne. Dans ce contexte, il est crucial qu’on adopte une politique monétaire et budgétaire responsable. Mais, certainement, si les recettes fiscales récoltées durant l’année financière 2020-21 ne permettent pas de financer le prochain Budget, il est probable que le ministère des Finances active à nouveau le levier monétaire.

Par ailleurs, commentant le rapport de Moody’s, la Banque de Maurice rétorque qu’il ne faut pas s’alarmer et qu’un certain nombre de pays développés et de marchés pré-émergents ont fait l’objet d’un abaissement de leur note souveraine à cause de la pandémie. Tout en soutenant que Moody’s a gardé inchangé l’Investment status de Maurice.

«Il faut jeter les bases pour un nouveau modèle économique qui répondra aux enjeux de demain»

Un an après la crise, l’économie mauricienne reste moribonde. Dans ses prévisions, Moody’s table sur une croissance de 6,5 % en 2021 et de 5 % l’année suivante. Ce qui fait qu’en 2022, notre PIB sera toujours inférieur de 5 % au niveau de 2019. Des perspectives peu reluisantes. Mais nous sommes qu’à l’An 1 de l’ère post-pandémie. Il faudra faire les bons choix si nous aspirons à trouver notre place dans ce nouveau monde qui se dessine.

Par Richard LE BON.

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