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Interview Rencontre

Fazila Jeewa-Daureeawoo: «Notre système de protection sociale doit être plus inclusif»

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Fazila Jeewa-Daureeawoo (Ministre de la Sécurité Sociale)

L’Agence Française de Développement a accordé un prêt de 300 millions d’euros à Maurice pour lutter contre les effets de la pandémie et réformer le système de sécurité sociale. Retour sur les enjeux autour de ce projet avec Fazila Jeewa-Daureeawoo, ministre de L’intégration Sociale, de la Sécurité Sociale et de la Solidarité Nationale.

Avec la fin de la 1ère phase du projet, où en est la protection sociale à Maurice ?

Je remercie chaleureusement la France pour son appui dans cet important projet qui concerne le renforcement du socle de protection sociale de Maurice. Mon ministère a signé un accord avec deux agences clés, l’Agence Française de Développement et Expertise France, pour une assistance technique qui sera très précieuse à notre pays.

Maurice compte un système de protection sociale complet qui doit continuer à évoluer. Nous avons une série de mesures qui visent à protéger les personnes les plus vulnérables à différentes phases de leur vie et en différentes circonstances, à savoir, la retraite, la maladie, le handicap… Jusqu’à présent, ces mesures ont bien répondu aux différents risques qui peuvent survenir dans la vie des Mauriciens.

Cependant, comme de nombreux pays, Maurice a été frappé par les effets de la pandémie de Covid-19, entraînant des conséquences négatives sans précédent sur la vie et les revenus de nombreuses personnes. Les plus touchées sont évidemment ceux qui étaient déjà vulnérables. C’est dans ce contexte particulier que l’appui de la France trouve son importance pour que notre système de protection sociale devienne plus inclusif et réactif aux chocs afin de mieux soutenir la réduction de la pauvreté et l’inclusion sociale.

Ainsi, l’exercice d’évaluation de la phase un du projet a mis en évidence la nécessité de renforcer le système de protection sociale à quatre niveaux. Premièrement, il faut avoir une base de données unique, centralisée et intégrée pour l’ensemble de la protection sociale, avec des avantages évidents d’un point de vue décisionnel et opérationnel. Outre l’extension de la couverture et du champ d’application du système de protection sociale, il faudra implémenter des mécanismes de gestion et de gouvernance améliorés à travers une restructuration de la National Empowerment Foundation. Finalement, le dernier niveau concerne le renforcement des capacités du personnel et des institutions à travers la formation.

«Nous travaillons vers un renforcement et un élargissement du socle de protection sociale à l’ensemble de la population»

Quel est le plan d’action du gouvernement pour un système de protection durable et inclusif ?

Alors que nous avons observé la Journée Internationale pour l’Élimination de la Pauvreté le 17 octobre, je me dois de souligner que la protection sociale a toujours été un élément clé de la politique de notre gouvernement. La protection sociale ne contribue pas seulement à réduire la pauvreté, l’exclusion et les inégalités, mais elle est aussi un facteur de cohésion sociale et de rebond collectif pour sortir d’une crise majeure.

Dans le contexte de la pandémie, nous avons fait de notre mieux pour soutenir nos citoyens, notamment à travers des mesures d’urgences telles que le Wage Assistance Scheme et le Self-Employed Assistance Scheme pour les employés des secteurs formel et informel.

Cette année, nous avons aussi revu le seuil de pauvreté absolue, qui est passé de Rs 9 520 pour une famille de deux adultes et trois enfants, à Rs 10 500. L’augmentation du seuil de pauvreté absolue permettra à plus de familles de faire partie du Social Register de Maurice et de bénéficier des différents types de soutiens. Je tiens à rappeler que les familles dans le besoin peuvent s’inscrire à tout moment de l’année pour bénéficier des mesures de soutien.

Mon ministère implémente actuellement le National Database for Vulnerable Groups, une mesure annoncée lors du Budget 2020/2021. Cette mesure cible les familles qui ne sont pas éligibles pour faire partie du Social Register of Mauritius, mais qui ont toutefois besoin d’aide dans cette conjoncture difficile. Il est désormais possible pour les familles ayant un revenu entre Rs 10 501 et Rs 14 000 de s’inscrire auprès des bureaux de la sécurité sociale pour avoir du soutien selon leurs besoins tels que la formation ou le support éducatif pour les enfants.

En ce qui concerne l’appui que nous recevons de la France, la révision du système de protection sociale concerne tant la politique du gouvernement que des améliorations au niveau opérationnel.

Quelles sont les mesures et autres recommandations pour venir en aide aux plus faibles ?

Nous sommes au tout début de la deuxième phase du projet, qui verra la formulation de recommandations plus approfondies. Toutefois, je peux parler de certaines des recommandations initiales faites par nos partenaires français à la fin de la première phase. En effet, il s’agit surtout de mettre en place un système de suivi et d’évaluation pour faciliter une prise de décision qui serait evidence-based

Hormis la prise en compte des inégalités au sein des ménages, avec une considération spéciale pour la situation précaire de certaines femmes, il faudra garantir une meilleure identification des personnes dans le besoin. Avec la création de la base de données, nous pourrons alors mieux gérer les paiements tout en ayant un accès rapide aux détails de nos bénéficiaires, ce qui devrait être utile lors des situations de crise telle que le confinement de 2020.

De quelle manière Maurice pourrait-il profiter de l’expertise de la France afin d’améliorer son système de protection sociale ?

Comme je l’ai mentionné plus tôt, Maurice bénéficie du soutien d’Expertise France, qui est une agence interministérielle française de coopération technique de renom. Cette agence nous accompagne dans la réforme du système de protection sociale à travers plusieurs activités, notamment un échange entre pairs, le conseil, le développement d’études, le renforcement de capacité et les formations, entre autres.

L’aide d’experts de haut niveau de l’équipe d’Expertise France nous permettra d’assurer la robustesse de notre système de protection sociale, ainsi que sa pérennité financière, surtout dans le contexte actuel. Il s’agit donc de travailler vers un renforcement et un élargissement du socle de protection sociale à l’ensemble de la population afin de prévenir et réduire les vulnérabilités, la pauvreté et l’exclusion.

Quelle est votre vision en ce qui concerne l’empowerment des femmes et l’intégration des enfants issus de milieux défavorisés ?

En ce qui concerne les femmes et les enfants issus de milieux défavorisés, je tiens à rappeler qu’ils sont déjà grandement concernés par les mesures de soutien aux bénéficiaires sous le Social Register of Mauritius.

Les femmes bénéficient de différents types de formations pour qu’elles puissent apprendre un métier et contribuer aux finances de la famille. À titre d’exemple, nous offrons des formations en pâtisserie, couture, élevage, aquaponie, entre autres. Nous encourageons aussi les femmes sous le SRM de faire usage du Crèche Scheme, mesure à travers laquelle nous versons Rs 2 000 à une crèche pour que les femmes puissent profiter d’un système de garderie et ainsi avoir du temps pour prendre de l’emploi ou monter une petite entreprise.

Avec l’aide technique offerte par la France, l’objectif est d’améliorer davantage l’accès des femmes aux garderies, ce qui facilitera alors leur accès à NOTRE INVITÉE l’emploi.

Quant aux enfants, nous offrons aussi de nombreuses formes de soutien focalisées sur l’éducation. Pour notre gouvernement, l ’éducation est un axe prioritaire dans la lutte contre la pauvreté intergénérationnelle. Je pense ici au paiement des frais d’examens pour ceux qui veulent améliorer leurs résultats, paie – ment des frais d’examens du MITD, dons de matériel scolaire chaque année, une allocation pour encourager les parents à envoyer leurs enfants à l’école, des cash grants pour récompen – ser ceux qui terminent leurs étu – des secondaires, ainsi que leurs études supérieures, entre autres.

Notre objectif est d’assurer que les enfants puissent aspirer à un meilleur avenir. Je suis aussi convaincue que les femmes doivent être pleinement autonomisées pour permettre aux familles vulnérables d’améliorer leur situation de manière soutenue. On voit souvent que les familles vulnérables sont pénalisées davantage en cas de divorce ou de séparation du couple. Ce sont souvent les femmes qui se retrouvent à la tête de ces foyers monoparentaux et il faut impérativement éviter qu’elles ne soient plus profondément impactées par la pauvreté.

Comment Maurice comptet-il débourser ce prêt de 300 millions d’euros, le plus élevé consenti par la France dans les pays où elle intervient ?

Il convient ici de repréciser le contexte et le contenu de ce prêt. La France, à travers l’AFD, a déployé un soutien rapide au gouvernement de Maurice dans sa réponse à la crise Covid-19, dans l’esprit d’une coopération longue de 50 ans. C’est pourquoi un prêt concessionnel de 300 millions d’euros a été signé au bénéfice de Maurice, le 27 juillet 2020. Les 300 millions d’euros ont été intégrés au budget national au moment du décaisse – ment, le 28 juillet 2020.

L’objectif de cette aide est de permettre à Maurice de faire face à la crise et symbolise l’engagement de la France auprès de notre pays. Une assistance technique est adossée à ce prêt pour un montant d’environ 4,5 millions d’euros de subventions sur différents volets : la résilience sanitaire, la résilience sociale (ce présent projet), la résilience économique et la résilience climatique du pays. C’est donc à travers une subvention (et non un prêt) que découle cet appui de l’AFD auprès du ministère de l’Intégration sociale, de la sécurité sociale et de la solidarité nationale.

La dernière étude concernant les poches d’extrême pauvreté remonte à pas mal d’années. À l’époque, on parlait de 7 000 familles vivant dans l’extrême pauvreté. Avez-vous actualisé la cartographie des régions qui sont considérées comme des poches d’extrême pauvreté ? Peut-on obtenir cette cartographie ?

La première cartographie concernant les familles sur le Social Register of Mauritius a été développée en 2017 et comprenait alors quelque 7 000 ménages à Maurice. Le nombre de familles concernées par le SRM est dynamique, et le chiffre change en fonction de nouvelles familles qui rejoignent le sys – tème, ou celles qui quittent le registre parce que leurs conditions de vie se sont améliorées.

En 2020, le ministère de l’Intégration sociale a procédé à une réévaluation des conditions de vie des familles sur le SRM. Au début de cet exercice, nous avions environ 10 000 familles sur le registre (8 000 à Maurice et 2 000 à Rodrigues). Environ 4 500 familles, de Maurice et de Rodrigues, avaient quitté le registre social à la suite d’une amélioration de leurs conditions.

Il faut savoir qu’une famille signe un contrat social pour un an. Toutefois, ces familles avaient été maintenues sur le registre pour plus de trois ans, car elles avaient toujours besoin d’aide. En 2021, à cause du contexte actuel, nous avions aussi étendu leurs contrats pour trois mois additionnels. Désormais, nous avons environ 5 124 familles sur le registre (3 382 à Maurice et 1 760 à Rodrigues).

En ce qui concerne la car – tographie, le ministère travaille désormais sur une nouvelle carte avec l’aide de Statistics Mauritius et elle devrait être prête d’ici à la fin de l’année.

Comment comptez-vous améliorer la situation des personnes souffrant d’un handicap?

Je dois préciser que l’inclusion des personnes en situation de handicap est un élément très important de la politique de notre gouvernement et que l’objectif principal sous ce projet est de trouver des moyens d’améliorer l’assistance sociale aux personnes souffrant d’un handicap.

«Les femmes doivent être pleinement autonomisées pour permettre aux familles vulnérables d’améliorer leur situation de manière soutenue»

L’Agence Française de Développement et Expertise France ont aussi approché un consultant spécialisé dans les politiques pour le bien-être des personnes en situation de handicap, ce qui nous permet – tra de trouver de nouveaux moyens pour venir en aide à nos citoyens. Une société inclusive reste une des priorités de notre Premier ministre et de l’ensemble du gouvernement.

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