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Interview Rencontre

Capitaine Vincent manuel (Chef du Centre de Secours Principal Bon Voyage de Nice) – «L’écologie doit être au centre des préoccupations de nos politiques»

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Capitaine Vincent manuel   (Chef du Centre de Secours  Principal Bon Voyage de Nice) - «L’écologie doit être au centre des préoccupations de nos politiques» | business-magazine.mu

Il est parfois difficile de donner une définition précise de la sécurité maritime étant donné l’étendue du terme ‘sécurité’. Comment la définiriez-vous ?

Il faut distinguer deux concepts dans cette définition générique. Le premier est celui de la sûreté, security en anglais, qui relève plus d’une idée politique de protection contre des violations des droits, des menaces, des agressions ou des manœuvres criminelles. Le second relève plus de l’assistance et du secours – safety en anglais. Tout État devrait pouvoir porter assistance à ses citoyens, et sur l’ensemble de son territoire (zone maritime comprise).


Il y a un élargissement de la notion de sécurité de la mer à la terre. Peut-on dissocier l’environnement de la sécurité maritime ?

Au-delà de la protection des personnes et des biens, l’environnement doit aujourd’hui être pris en considération dans les préoccupations politiques, que ce soit sur terre ou en mer. Une pollution liée au déversement de produits toxiques dans nos sols pourrait également avoir un impact non négligeable sur notre économie. Imaginons des champs de canne à sucre arrosés par des eaux polluées (suite à des déversements ‘accidentels’ de produits non identifiés), ce qui aurait pour conséquence de détruire des hectares entiers ? Quel impact sur les récoltes ? Et sur l’économie ?

Redéfinir les périmètres des modèles économiques en tenant compte de l’impact environnemental est devenu une urgence. Il faut avoir le courage de repenser notre modèle économique.


Après le naufrage du MV Wakashio et du remorqueur Sir Gaëtan Duval, sommes-nous dans l’urgence de revoir nos dispositifs de sécurité et de surveillance ?

Il faut repenser à l’entière totalité du secteur en intégrant le travail que réalise aujourd’hui le National Coast Guard, mais en élargissant ses compétences. La première étape, comme vous le soulignez, est la surveillance. Mais que voulons-nous surveiller ? Les plages ? Les côtes ? La zone de pêche ?

Un organe de coordination, à l’image du Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) de La Réunion, avec le report de la surveillance satellite et qui pourrait servir d’outil de commandement lors de catastrophe, serait un atout majeur. Ensuite, il conviendrait de former le personnel intervenant à l’utilisation du matériel mis à sa disposition. Je reste convaincu de la capacité des Mauriciens à pouvoir se montrer à la hauteur de cette tâche. Le matériel acquis depuis ces années semble peut être encore loin des besoins. Mais il faut travailler et encore travailler. Et cela, en tout temps et à toute heure et dans toutes les conditions. On ne peut pas se permettre d’envoyer du personnel au casse-pipe.


Sommes-nous prêts à affronter une nouvelle crise ?

À l’heure où vous me posez cette question, je dois vous avouer que les derniers événements m’ont prouvé qu’aucune entité n’était en mesure de le faire. Je trouve dommage qu’en parallèle de l’enquête, il n’y ait pas eu une réflexion sur le sujet de la gestion de crise. Gérer une crise est un métier. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas de l’improvisation. C’est un vrai travail de préparation qui doit être amorcé.

Je vous dirai que le seul risque maîtrisé à Maurice reste les cyclones. En effet, une communication et l’information à la population sont réalisées par les médias ; un code commun conditionne le comportement de chaque Mauricien (classes I, II, III, IV). Les centres communautaires ouvrent leurs portes aux plus démunis. Même s’il reste encore des détails à peaufiner, ce plan ‘cyclone’ est assez performant.

Mais cela reste un risque que je qualifierai de courant. Mais qu’en est-il des autres risques : incendie, sanitaire, technologiques et autres ?


Comment faire face aux crises ?

Comment justement mesurer les risques ?

Je n’avance pas que c’est facile. Il m’est difficile dans ma position de pouvoir avoir un avis clair sur la question. Néanmoins, il s’agit de faire la balance entre les bénéfices et les risques ? Je ne développerai pas davantage les mécanismes d’analyses dans cette interview car ce serait trop long. La question est de comprendre si, en conservant les frontières fermées, cela aggraverait la situation ? Avec une économie à l’arrêt, les Mauriciens vont-ils perdre leur logement, la capacité de se nourrir correctement et de se soigner correctement ? La question est donc de savoir si on peut limiter la circulation du virus en relançant partiellement l’économie. Comment les autres îles de l’océan Indien ont-elles fait ? Tentons de nous inspirer des pays qui nous ressemblent, en l’occurrence, des îles de l’océan Indien.


La sécurité maritime est importante pour développer l’économie océanique…

Pour une île, il est inconcevable de pouvoir permettre aux pays étrangers de venir pêcher dans les eaux économiques sans contrepartie. Allons-nous cultiver notre riz en Asie ? Sommes-nous en capacité d’identifier les bâtiments de pêche qui ‘pillent’ nos eaux territoriales ? Sommes-nous en capacité de faire la police sur notre territoire maritime ? Un des nombreux paradoxes mauriciens : la chasse au fusil harpon est, me semble-t-il, interdite à Maurice. En revanche, venir chasser la baleine au canon harpon est pratiqué dans nos eaux territoriales. Laquelle des deux pratiques pille nos lagons ?


S’agissant d’énergie durable, de ressources minérales et d’industries innovantes, ces tragédies pourraient-elles mettre un frein à ces secteurs d’activités ?

Il est évident que si nous ne maîtrisons pas mieux les risques qui nous entourent, de nouvelles tragédies mettraient à mal notre économie.


Vous qui êtes en France, qu’en est-il de l’image de Maurice sur la mappemonde ?

L’image de Maurice reste celle des cartes postales dans l’inconscient collectif. Mais chaque personne que je rencontre à la suite d’un voyage chez nous me confirme avec déception, que l’écologie n’est pas la priorité des Mauriciens. En dehors des hôtels, le paysage est sale et les déchets sont partout, l’air est pollué. Les coraux et les poissons disparaissent de nos lagons.


Quelles leçons tirer de ces crises ?

De manière synthétique, il est urgent de réaliser un travail avec des professionnels. Il serait constitué d’une planification des risques qui aboutirait sur une préparation à la gestion de crise, de formation de personnel, d’acquisition de matériel et former des professionnels à la communication de crise.

Il existe également des formations à destination du secteur privé afin que, lui aussi, se montre plus résilient. En résumé, si chaque citoyen composant une structure devient davantage résilient, la structure deviendra elle-même plus résiliente.

Le modèle social est en train d’évoluer. Il est urgent de repenser également notre économie. L’écologie doit être au centre des préoccupations de nos politiques mais également de nos concitoyens. Toutefois, je comprends aisément que ceux-ci ne mettent pas l’écologie au milieu de leurs préoccupations puisque nous avons déjà du mal à avoir l’eau courante 24/7 en tout point de l’île et des personnes vivent encore dans des bidonvilles.


«Gérer une crise est un métier ; contrairement aux idées reçues, ce n’est pas de l’improvisation»

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