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Interview Rencontre

BRUNO DUBARRY (CEO, ASSOCIATION OF MAURITIAN MANUFACTURERS) «LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE LOIN DE DEVENIR UNE RÉALITÉ»

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Bruno Dubarry  (CEO de l’Association of Mauritian Manufacturers) - «Le destin de la production locale intimement lié au Budget» | business-magazine.mu

LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE REVIENT UNE ANNÉE APRÈS AU CŒUR DES DÉBATS AVEC CE RECONFINEMENT. AVEC DES DEMI-MESURES DANS LE SILLAGE DU PREMIER CONFINEMENT, QUI GÉNÈRENT DE L’INDÉCISION ET DE L’ATTENTISME, NOUS SOMMES LOIN D’EN FAIRE UNE RÉALITÉ, SOULIGNE LE CEO DE L’AMM.

Interview audio de Bruno Dubarry sur la sécurité alimentaire :  https://www.business-magazine.mu/actualites/autres/bruno-dubarry-ceo-le-dossier-de-la-securite-alimentaire-a-manque-de-realisme-ces-dernieres-annees/

La question de la sécurité alimentaire, lors du premier confinement en 2020, était au centre des débats. Avons-nous avancé depuis sur ce dossier?

Le temps est court. La situation économique, sociale, environnementale s’est dégradée. Débattre reviendrait à manquer de clairvoyance. L’état de l’alimentaire pourrait recevoir la qualification suivante «soumis aux aléas des marchés étrangers». C’est donc l’opposé de l’indépendance : la sécurité, la résilience. Il faut du courage pour faire aboutir ce dossier. Ce que nous avons aujourd’hui, ce sont des demi-mesures qui génèrent de l’indécision, de l’attentisme.

Le premier confinement a été un rappel brutal de l’importance d’avoir une production locale, tant sur le plan de l’approvisionnement que sur celui de l’emploi local et de la consommation locale. Il en va de même pour 2021. Seulement les fondamentaux sur lesquels Maurice repose en matière alimentaire n’assurent pas sa sécurité. Le temps est à la réforme. C’est une responsabilité de l’Etat et du secteur privé.

L’AMM est dans une position qui lui permet d’apprécier les vulnérabilités du système et de faire des recommandations pour son renforcement, parce que les entreprises qui composent notre association et le label Made in Moris sont pour la majorité des producteurs / importateurs / distributeurs. L’absence de détermination nationale quant au modèle mauricien, qui dure depuis plusieurs décennies, a favorisé la consolidation d’entreprises qui opèrent dans une recherche fragile d’équilibre entre produire et importer. Continuer dans cette voie, c’est faire peser un risque majeur sur les Mauriciens.

Le cas de l’huile alimentaire est l’exemple le plus criant de cette absence de détermination, puisque depuis la décision du Cabinet des ministres et l’annonce de l’entrée en vigueur au 22 février 2021 d’une mesure de sauvegarde sur toute importation d’huile alimentaire, rien n’a abouti. Or, nous sommes au mois d’avril 2021. Rappelons que ce dossier est porté par l’AMM depuis 2016.

 

«C’EST À LA GRANDE DISTRIBUTION DE FAIRE DE L’ACHAT LOCAL RESPONSABLE UN AXE STRATÉGIQUE DANS LEUR BUSINESS MODEL»

 

Quels sont les principaux défis à relever pour réussir le pari de la sécurité alimentaire?

Nous avons principalement une industrie de transformation de matières premières importées. L’urgence est de concilier cette industrie de transformation avec nos secteurs primaires : l’agriculture, l’élevage et la pêche. D’abord, pour assurer les besoins essentiels du marché domestique et répondre à l’évolution des demandes des consommateurs mauriciens et résidents étrangers. Sur le marché local, nous identifions trois priorités : orienter nos foyers vers une consommation durable (local purchase), structurer nos politiques d’achat public et privé (procurement), passer du caritatif à la solidarité active (social business).

Là encore, il faut faire preuve de courage pour pallier les manquements de nos accords commerciaux régionaux et internationaux, avec pour boussole la sécurité alimentaire et d’approvisionnement en besoins essentiels. Si le gouvernement mauricien est conscient de cela, il n’y aura pas de possibilité d’éluder ces défis et d’aller vers la régionalisation de nos importations de matières premières car nous dépendons de quelque 80 pays qui, à l’exception notable de l’Afrique du Sud, sont en dehors de la région ; l’augmentation des prix de matières premières qui impactent directement nos coûts de production et indirectement le prix payé par les consommateurs ; enfin, la connectivité maritime, car nous ne représentons que 5 % des flux mondiaux, ce qui nous place dans une position vulnérable avec d’importantes augmentations de coûts et des délais de livraison.

Vous avez récemment laissé entendre que le dossier de la sécurité alimentaire a souffert de l’absence d’un cadre public/privé. Comment y remédier ?

Le cadre public/privé s’exprimerait à travers une réforme composée de cinq chapitres : le contrat de filière interprofessionnelle, l’accord entre production locale et grande distribution, l’enseignement technique et professionnel, l’observatoire de l’achat local, la banque alimentaire. Depuis 2020, l’AMM s’est attelée à des actions concrètes pour préparer cette réforme, principalement sur le contrat de filière, l’enseignement, la banque alimentaire.

Citons l’évaluation d’une relance à court terme de la filière laitière à Maurice, qui est elle-même porteuse d’une filière de viande bovine à moyen terme. Dans le cadre du National AgriFood Development Programme, l’AMM a réuni autour de cette filière spécifique ministère de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire, FAREI, EDB, Business Mauritius, Chambre d’Agriculture, Région Réunion et les principaux opérateurs du secteur privé. Au cours de plusieurs réunions dont une visite de site sur les terres de Ferney où un projet d’agri-hub est lancé depuis lors, nous proposions à cet écosystème de se projeter dans de nouvelles manières de travailler en faisant le choix de la qualité et d’un new deal pour l’alimentation du pays, dans lequel chaque partie trouvera sa place et formera un groupement d’intérêts collectifs.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire et économique sur les membres de l’AMM?

En 2020, la moyenne observée auprès de nos membres a été une perte de 15 à 30 % du chiffre d’affaires et tension accrue sur leur cash-flow. Leurs capacités d’emprunt ne se sont guère améliorées. Plusieurs développements ont été mis en suspens. L’effort s’est reporté en partie sur des produits à faible valeur. Leur internationalisation à travers l’export, le partenariat et les implantations à l’étranger a connu des situations contrastées. Le contexte a invité l’ensemble de la base d’adhérents à revisiter les fondamentaux des activités et patienter quant au redémarrage du secteur du tourisme.

Un accord entre les producteurs locaux et la grande distribution semble essentiel pour offrir des débouchés au Made in Moris. Les acteurs de la grande distribution sont-ils prêts à s’engager en ce sens?

Il s’agit avant tout de valoriser un existant et de s’accorder sur les produits et services de demain. Il y a des mesures gouvernementales comme 10 % d’espace réservé à la production locale en grande distribution, qui sont symboliques. Du point de vue de notre association, elles sont un prétexte à faire plus et mieux ensemble.

L’exemplarité est la seule approche de nature à changer la donne favorablement. Les efforts viendront de la production locale et de la grande distribution. C’est aux producteurs de s’engager et de faire de l’excellence entrepreneuriale, nutritionnelle et environnementale des leviers de valorisation. C’est à la grande distribution de faire de l’achat local responsable, un axe stratégique dans leur business model, garantissant ainsi l’entrepreneuriat et l’emploi local.

L’AMM dit envisager un observatoire de «l’achat local». Quel est l’objectif derrière cette initiative ?

Pour avoir un impact économique, toute mesure budgétaire a besoin d’une évaluation régulière. Ainsi, nous estimons que le Buy Mauritian Programme du Budget 2020-2021 doit se doter d’un outil de monitoring : un observatoire de l’achat responsable public et privé. L’observatoire de l’achat local est un outil de collecte de données, de sensibilisation et de valorisation sur les pratiques d’achat dans les secteurs public et privé. Il doit permettre de documenter les tendances, les problématiques rencontrées et surtout de rendre compte des objectifs atteints ou non atteints pour que les mesures incitatives puissent être recalibrées. Enfin, quand les politiques d’achats publics seraient prêtes à intégrer des clauses de responsabilité sociale et environnementale, cet outil serait d’autant plus utile pour transformer la commande publique et les entreprises qui y répondraient.

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