Yoosoof Jauhangeer (spécialiste en Health & Safety, chez HSE Consultant) «Nous devons nous préparer à une potentielle deuxième vague»

La gestion des risques liée à la contraction du nouveau coronavirus est le nerf de cette guerre sanitaire. La demande pour vos services a-t-elle été impactée dans ce contexte de nouvelle normalité?

Pour l’instant, malheureusement, il y a une stagnation des activités dans beaucoup d’entreprises, avec un problème de liquidité et le manque de visibilité à court et moyen termes. On a noté une hésitation chez les chefs d’entreprise à se hasarder dans des coûts autres que le basique.

Pensez-vous qu’il y aura une croissance dans la demande pour les spécialistes Health, Safety and Environment (HSE) ?

On a déjà une saturation de spécialistes Health, Safety and Environment (Safety and Health Officers) sur le marché. En tant que président de l’association regroupant les professionnels dans le domaine – Institution of Occupational Safety and Health Management (IOSHM) – j’ai aidé l’Université de Technologie de Maurice à lancer cette formation. Après dix années, il y a aujourd’hui trop de professionnels sans emploi sur le marché. Il y a aussi des jeunes qui sont sous-payés et forcés de faire autre chose que la santé et l’hygiène au travail parce qu’ils sont employés à plein temps. Il est temps qu’une loi soit votée pour imposer la création d’un Council of Safety and Health Professionals et de redonner dans ce sillage ses lettres de noblesse à la profession.

L’analyse des risques, surtout au sein de grosses structures organisationnelles, est-elle vitale pour un retour sans risques pour le travail sur site ?

Après presque deux mois après le déconfinement partiel, la grosse majorité des entreprises sont déjà retournées à l’opération normale avec une analyse des risques et les mesures de précaution. Je pense sincèrement qu’il faut mettre à jour le plan de poursuite des activités en tenant compte des nouvelles données scientifiques telles que la propagation de la Covid-19 par l’air et sa mutation.

Nous avons pu maîtriser la première vague de la Covid-19 et, malheureusement, nous devons nous préparer à une potentielle deuxième vague. La formation du personnel, l’adaptation / la réinvention technique et technologique doivent se faire maintenant. On doit se préparer / se réadapter avant l’ouverture de nos frontières.

En votre capacité de spécialiste HSE, comment votre rôle s’est-il réinventé dans la nouvelle normalité ?

Un bon spécialiste HSE doit, avec son expérience et son expertise, pouvoir prévoir des choses que les communs des mortels – de même que les spécialistes d’autres filières d’activités – ne perçoivent pas, et apporter en conséquence des conseils adéquats. C’est facile de faire des recommandations ou de donner des conseils sur des évènements passés, mais c’est extrêmement difficile de recommander le juste milieu à adopter en matière de mesures, basées sur la prévoyance. Il arrive cependant, et malheureusement, que nos prédictions ne se cristallisent pas et se traduisent comme des dépenses coûteuses pour les entreprises. Mais c’est rare.

Malheureusement, les mesures HSE recommandées, basées sur cette prévoyance, causent des clashs avec les directeurs de compagnie ou leur département Finance. Je me souviens d’un incident avec le directeur d’une grande entreprise qui avait jeté mon rapport à la poubelle parce que j’avais fait mention d’un gros risque d’accident grave, même mortel. Malheureusement, huit ans après cet incident, il y a eu un accident très grave. Ce n’est pas par fierté que je mentionne ce cas, mais avec beaucoup de remords.

Heureusement, il y a actuellement de plus en plus de directeurs qui écoutent les conseils de spécialistes HSE, même si certains se croisent les doigts et préfèrent attendre l’arrivée d’une catastrophe pour prendre des actions. Dans la majorité des cas, cela leur coûte beaucoup plus cher et parfois même leur poste, comme on le constate à l’étranger.