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Vincent Degert (Ambassadeur de l’Union Européenne) «L’accord Post-Cotonou va marquer une évolution majeure»

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Vincent Degert Business Mag 1476

Vincent Degert – Dans un contexte mondial qui change, le partenariat entre la Commission de l’Océan Indien et l’Union Européenne est aussi appelé à évoluer. Mais, insiste Vincent Degert, Ambassadeur de l’Union Européenne auprès de Maurice et des Seychelles, il y aura une constante : c’est la détermination de l’Union Européenne à renforcer ses liens avec les pays de l’Indianocéanie.

Depuis plus de 35 ans, la Commission de l’océan Indien et l’Union européenne répondent ensemble aux problématiques communes des États insulaires de l’océan Indien. Comment s’est matérialisé ce partenariat pour la région ?

En effet, nous avons bâti avec la Commission de l’océan Indien (COI) un partenariat de plus de trois décennies. Ce partenariat a su évoluer pour s’adapter aux besoins régionaux et aux préoccupations nouvelles. Il reste encore aujourd’hui très dynamique et en pleine croissance. Il a déjà permis d’améliorer la vie de centaines de milliers de citoyens dans la région en termes de revenus des activités de pêche, d’approvisionnement en eau potable, de préservation de la biodiversité et même de sécurité. Nous avons forgé ce partenariat sur la base de nos liens historiques et sur nos intérêts communs. L’Union européenne (UE) est, en effet, un partenaire stratégique des États membres de la COI dans les domaines clés tels que la sécurité maritime, la pêche, la lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité, l’intégration économique ainsi que la sécurité sanitaire. Les îles de l’océan Indien sont parfois injustement considérées comme «des nains» en termes de taille, mais on oublie qu’elles sont des géants en termes de zone économique exclusive (ZEE), ce qui leur confère un rôle et un intérêt géostratégique certains. Ces îles disposent cependant au plan individuel de peu de moyens pour faire face aux nombreux défis posés par l’étendue de leur ZEE (zone économique exclusive). Coopération et partenariat s’imposent donc pour assurer la sécurité dans la région, par exemple au regard du trafic maritime régulier et dense qui amène son lot de dangers comme le récent naufrage du Wakashio au large des côtes de Maurice l’a tristement illustré. Le soutien apporté par la France, complété par la mobilisation du mécanisme de protection civil européen et la mise à disposition d’images satellite, a démontré la valeur ajoutée d’un travail en commun sur ces grands enjeux. L’UE est ainsi engagée depuis plus d’une décennie pour promouvoir la sécurité maritime dans la région, notamment avec EUNAVFOR – Somalia Opération Atalanta – opération qui a été étendue jusqu’à fin 2022, et qui reste encore déterminante pour lutter contre la piraterie dans la région et assurer la sécurité maritime qui vient d’être étendue au trafic de drogue et d’armes. La lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, fait aussi partie des actions communes COI-UE. Tous ces défis demandent une mise en commun des connaissances et des ressources entre l’UE et la COI et leurs États membres respectifs. Cette solidarité de fait est le fondement de notre appui continu à la COI. Mais il y a beaucoup d’autres domaines, comme la lutte contre le changement climatique, pour lesquels nous avons un intérêt commun et sur lesquels nous travaillons en parfaite  intelligence.

«L’UE est un partenaire stratégique des états membres de la coi» – Vincent Degert.

De manière spécifique, dans quelle mesure ce partenariat a été bénéfique pour Maurice ?

Depuis plus de 35 ans, la Commission de l’océan Indien et l’Union européenne répondent ensemble aux problématiques communes des États insulaires de l’océan Indien. Comment s’est matérialisé ce partenariat pour la région ? En effet, nous avons bâti avec la Commission de l’océan Indien (COI) un partenariat de plus de trois décennies. Ce partenariat a su évoluer pour s’adapter aux besoins régionaux et aux préoccupations nouvelles. Il reste encore aujourd’hui très dynamique et en pleine croissance. Il a déjà permis d’améliorer la vie de centaines de milliers de citoyens dans la région en termes de revenus des activités de pêche, d’approvisionnement en eau potable, de préservation de la biodiversité et même de sécurité. Nous avons forgé ce partenariat sur la base de nos liens historiques et sur nos intérêts communs. L’Union européenne (UE) est, en effet, un partenaire stratégique des États membres de la COI dans les domaines clés tels que la sécurité maritime, la pêche, la lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité, l’intégration économique ainsi que la sécurité sanitaire.

Maurice, comme tous les États membres de la COI, bénéficie des projets et des programmes régionaux mis à disposition par l’UE. Les retombées positives issues de la mise en commun des connaissances et des bonnes pratiques sont multiples, mais pas toujours connues du grand public comme, par exemple, les missions conjointes de surveillance de pêche ou la possibilité de partage d’informations maritimes entre les garde-côtes mauriciens et le centre d’information régional de Madagascar (CRFIM), qui permet une meilleure surveillance du trafic maritime dans la zone. De même, la clôture de la pêche à l’ourite a été mise en application dans le cadre du programme Smartfish de la COI sous financement de l’UE, et également les patrouilles conjointes par les autorités compétentes pour lutter contre la pêche illégale dans la région du sud-ouest de l’océan Indien sous le ‘Plan régional de surveillance de pêche’ dans le cadre du programme Smartfish. Certaines des activités se tiennent à Maurice, ce qui permet aux parties prenantes des autres États membres de la COI de découvrir les bonnes pratiques mises en œuvre à Maurice et de les utiliser. Et, inversement, les partenaires mauriciens qui participent, lorsque les conditions sanitaires le permettent, aux réunions dans les autres États membres de la COI, bénéficient des actions de renforcement de capacité et d’assistance technique. En tant que pays hôte du Secrétariat de la COI, Maurice a une responsabilité additionnelle d’animation, de plaque tournante et de démonstration de l’importance et de l’utilité au quotidien de cette institution régionale.

«L’UE est engagée depuis plus d’une décennie pour promouvoir la sécurité maritime» – Vincent Degert.

L’Union européenne est très engagée dans la lutte contre le changement climatique. À Maurice, sur le terrain, de quelle manière se décline votre soutien pour encourager l’utilisation d’une énergie plus verte ?

Vous avez raison : l’UE avec ses États membres est au plan international l’acteur le plus fermement engagé dans la lutte contre le changement climatique, qu’il s’agisse de la COP 21 de Paris ou plus récemment de son objectif de devenir le premier continent neutre en carbone à l’échéance de 2050. L’UE se félicite d’ailleurs que la nouvelle administration américaine veuille réintégrer l’accord de Paris et que plusieurs pays à travers le monde lui aient emboîté le pas pour devenir des économies à carbone neutre. Cet engagement politique, l’UE le met par ailleurs en action dans le cadre de sa coopération avec ses pays partenaires. C’est le cas avec les pays membres de la Commission de l’océan Indien, y compris à Maurice où nous soutenons, depuis des années, la transition vers une économie verte et notamment la transition énergétique. Dans le cadre du Programme Régional Énergies, en plus des projets concrets d’énergie renouvelable, l’UE a financé la stratégie 20202030 pour la transition énergétique des États membres de la COI. Cette stratégie a d’ailleurs été validée par le Conseil des ministres de la COI en mars 2019. Nous avons également financé un guide d’efficacité énergétique des bâtiments destiné aux opérateurs de la construction qui tient compte des conditions climatiques spécifiques de chaque État membre de la COI. Cet outil innovant est aujourd’hui disponible en téléchargement gratuit sur le site de la COI. À Maurice, plus spécifiquement, nous contribuons, par exemple, au financement du programme SUNREF de l’Agence française de développement qui permet, à travers des lignes de crédit octroyées par les banques partenaires et une assistance technique au montage du projet fournie par Business Mauritius, de promouvoir des investissements verts.

La protection des océans est d’importance capitale pour l’Union européenne. Et nous savons que la réponse globale aux problèmes des océans ne peut se faire sans une action collective et coordonnée à chaque niveau. Quelle analyse faites-vous de la gestion des dégâts qu’a causés le naufrage du Wakashio ?

Tout d’abord, permettez-moi, comme je l’évoquais précédemment, de me féliciter que l’Union européenne et ses États membres (la Team Europe) aient immédiatement répondu positivement lorsque nous avons reçu la demande des autorités mauriciennes. La France, qui a une grande expertise dans ce domaine, a mobilisé, en l’espace de quelques heures, des experts et du matériel pour contenir la propagation de la nappe d’hydrocarbures. Au niveau de l’Union européenne, nous avons immédiatement activé le mécanisme de protection civile dès réception de la demande du gouvernement de Maurice. L’Agence Européenne de Sécurité Maritime a d’ailleurs partagé avec les autorités des images du satellite Sentinel sur l’étendue et la progression de la nappe d’hydrocarbures pour leur permettre de déployer les moyens afin de stopper la propagation de la nappe de manière efficace. Nous avons aussi fourni aux ONG et aux bénévoles des équipements de protection individuelle pour le nettoyage et le sauvetage des espèces endémiques qui se trouvaient sur l’île aux Aigrettes. Dès juin 2020, nous avions signé un contrat de 1 million d’euros avec le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) pour soutenir les pêcheurs artisanaux de Maurice et de Rodrigues dans leurs activités quotidiennes, qui pourra désormais aussi bénéficier aux pêcheurs affectés par le naufrage du Wakashio. Il faut indéniablement tirer les leçons de cet événement et de tous les dysfonctionnements et erreurs humaines et techniques qui ont conduit à cette catastrophe. Le travail que réalise la cour d’investigation devrait nous éclairer à cet égard. Mais d’ores et déjà, chaque partie prenante peut dresser son inventaire des faiblesses observées, car il faut à tout prix s’assurer qu’un tel naufrage ne se reproduise pas. L’UE est prête à travailler en ce sens avec les autorités et les acteurs concernés, que ce soit au niveau national comme au niveau régional avec notamment le programme MASE qui signifie précisément Maritime Security.

«L’accord de partenariat stratégique (ape) a déjà apporté des résultats tangibles» -Vincent Degert.

L’Europe est le principal partenaire commercial de Maurice. Aujourd’hui, comment évaluez-vous ces relations commerciales encadrées, depuis 2009, par l’Accord de partenariat économique (APE) ?

L’UE est le premier partenaire commercial de l’Afrique et entend construire sur cette relation privilégiée qui, bien sûr dans un monde globalisé, ne saurait prétendre à l’exclusivité : l’UE reçoit ainsi plus de 31 % des exportations de l’Afrique contre, par exemple, 11 % pour la Chine. Par ailleurs, 29 % des importations de l’Afrique proviennent de l’UE, contre 16 % pour la Chine. L’UE est donc un partenaire stratégique important pour les États membres de la COI. L’Accord de partenariat stratégique (APE) a déjà apporté des résultats tangibles. Les exportations des pays signataires de l’APE vers l’UE ont augmenté par 23 % depuis la mise en œuvre de l’APE. Pour Maurice, presque 50 % de l’investissement étranger direct provient de l’UE. Et nous comptons conforter cette relation. Ainsi, nous travaillons en ce moment avec les pays États membres de la COI, notamment avec Maurice, les Comores, Madagascar, les Seychelles et aussi un nonmembre de la COI, le Zimbabwe, à l’approfondissement de l’accord en incluant les services, mais aussi la législation douanière, les standards phytosanitaires ainsi que le développement durable ou le respect des engagements internationaux contractés en matière d’environnement ou de législation sociale.

«Il faut développer une diplomatie innovante et synchronisée, tournée vers l’avenir» – Vincent Degert.

Disposons-nous d’arguments suffisamment forts et d’objectifs pour développer et entretenir un dialogue permanent et de qualité sur le long terme avec l’UE ?

Le premier déplacement de la Commission européenne, qui est entrée en fonction en 2019 sous la présidence de Mme Von der Leyen, a été une rencontre au sommet à Addis-Abeba avec l’Union africaine. C’est un signal fort en termes d’engagement et de priorités qui s’est trouvé conforté tout au long de la crise de Covid-19 à travers le soutien apporté par l’UE pour faire face à l’urgence sanitaire et à ces effets économiques. L’appui offert par l’UE pour permettre le lancement, au 1er janvier 2021, de l’accord de libre-échange au niveau du continent africain est une autre illustration de cette dynamique, l’idée étant de conclure à terme un accord global UE-Afrique pour sceller une communauté de destin entre les deux continents. Le sommet des chefs d’États UEAfrique, prévu cette année, viendra renforcer ce dialogue entre égaux qui s’est institué de longue date entre partenaires motivés par cette vision commune.

Le continent africain a effectivement mis en place la zone de libre-échange continentale. Toutefois, ne faudrait-il pas une intégration économique plus poussée sur le continent africain pour rendre celui-ci plus compétitif face à d’autres marchés ?

Plusieurs organisations régionales en Afrique comme le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA), la Southern African Development Community (SADC) ou encore la COI prônent et mettent en œuvre depuis plusieurs années des actions pour promouvoir l’intégration économique. La SADC est une communauté régionale avec plusieurs instruments juridiques et institutionnels qui ont été mis en place pour guider et normaliser le travail de la SADC avec les États membres, dont les protocoles sur le commerce et sur le transport. Le COMESA a le même statut que la SADC, avec comme mandat principal l’élimination des barrières au commerce entre ses pays membres. La COI travaille également sur l’intégration économique même si elle ne dispose pas d’instruments juridiquement contraignants. Il y a donc eu, selon les régions africaines et la volonté des pays concernés avec des contenus et une intensité variable, différents efforts soutenus d’intégration économique. Tous ces efforts peuvent être vus comme des pierres apportées à la construction de l’édifice d’une zone de libre-échange à l’échelle du continent, qui est une ambition sans précédent puisque tous les 54 pays à l’exception de l’Érythrée l’ont signée. La mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine est en quelque sorte venue couronner tous ces efforts. Ce développement majeur, que l’UE soutient techniquement et financièrement, est d’ailleurs pris en considération dans l’accord post-Cotonou.

Le commerce intra-européen est à un peu plus de 60 %. Alors que nous sommes à peine à 10 % en Afrique. Pourquoi cela ? Quels en sont les freins ?

Le commerce interafricain part, en effet, de très loin et reste à ce jour très faible. Ce phénomène est notamment dû aux limites en termes d’infrastrucDisposons-nous d’arguments suffisamment forts et d’objectifs pour développer et entretenir un dialogue permanent et de qualité sur le long terme avec l’UE ? Le premier déplacement de la Commission européenne, qui est entrée en fonction en 2019 sous la présidence de Mme Von der Leyen, a été une rencontre au sommet à Addis-Abeba avec l’Union africaine. C’est un signal fort en termes d’engagement et de priorités qui s’est trouvé conforté tout au long de la crise de Covid-19 à travers le soutien apporté par l’UE pour faire face à l’urgence sanitaire et à ces effets économiques. L’appui offert par l’UE pour permettre le lancement, au 1er janvier 2021, de l’accord de libre-échange au niveau du continent africain est une autre illustration de cette dynamique, l’idée étant de conclure à terme un accord global UE-Afrique pour sceller une communauté de destin entre les deux continents. Le sommet des chefs d’États UEAfrique, prévu cette année, viendra renforcer ce dialogue entre égaux qui s’est institué de longue date entre partenaires motivés par cette vision commune.

Le continent africain a effectivement mis en place la zone de libre-échange continentale. Toutefois, ne faudrait-il pas une intégration économique plus poussée sur le continent africain pour rendre celui-ci plus compétitif face à d’autres marchés ?

Plusieurs organisations régionales en Afrique comme le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA), la Southern African Development Community (SADC) ou encore la COI prônent et mettent en œuvre depuis plusieurs années des actions pour promouvoir l’intégration économique. La SADC est une communauté régionale avec plusieurs instruments juridiques et institutionnels qui ont été mis en place pour guider et normaliser le travail de la SADC avec les États membres, dont les protocoles sur le commerce et sur le transport. Le COMESA a le même statut que la SADC, avec comme mandat principal l’élimination des barrières au commerce entre ses pays membres. La COI travaille également sur l’intégration économique même si elle ne dispose pas d’instruments juridiquement contraignants. Il y a donc eu, selon les régions africaines et la volonté des pays concernés avec des contenus et une intensité variable, différents efforts soutenus d’intégration économique. Tous ces efforts peuvent être vus comme des pierres apportées à la construction de l’édifice d’une zone de libre-échange à l’échelle du continent, qui est une ambition sans précédent puisque tous les 54 pays à l’exception de l’Érythrée l’ont signée. La mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine est en quelque sorte venue couronner tous ces efforts. Ce développement majeur, que l’UE soutient techniquement et financièrement, est d’ailleurs pris en considération dans l’accord post-Cotonou.

Le commerce intra-européen est à un peu plus de 60 %. Alors que nous sommes à peine à 10 % en Afrique. Pourquoi cela ? Quels en sont les freins ?

Le commerce interafricain part, en effet, de très loin et reste à ce jour très faible. Ce phénomène est notamment dû aux limites en termes d’infrastructures et des transports au niveau intrarégional. Il en est de même dans l’océan Indien, où le commerce inter et intrarégional demeure très limité, avec une moyenne de moins de 4 % au cours des dernières décennies. Afin de promouvoir les échanges, les États membres de la COI ont, en 2019, réaffirmé leur volonté politique d’accélérer la coopération économique et commerciale tant au sein de la région de la COI qu’avec l’Union européenne, mais aussi avec le continent africain au sens large. Cet objectif ne pourra cependant être atteint que par une compétitivité accrue et une amélioration de l’environnement des affaires dans la région de l’océan Indien. C’est dans cet esprit que l’UE a signé en 2020 avec la COI un nouveau projet de facilitation des affaires.

S’agissant de l’accord post-Cotonou, les négociateurs en chef de l’UE et de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) sont parvenus à un accord politique sur le texte d’un nouvel accord de partenariat qui succédera à l’accord de Cotonou en décembre dernier. Est-ce que le nouvel accord fera ressortir cette dynamique régionale ?

Les chefs négociateurs ont effectivement conclu, le 3 décembre dernier, un accord politique de principe ; ce texte, successeur de l’accord de Cotonou, doit maintenant être soumis pour approbation selon les procédures internes des pays ACP et de l’UE afin de procéder aux vérifications légales et techniques avant que les négociateurs ne puissent formellement apposer leurs paraphes. Suivront, dans la foulée, les procédures de signature, puis d’application provisoire et, finalement, de ratification. Pour laisser le temps nécessaire à l’accomplissement de ces procédures, l’application de l’accord de Cotonou a été prolongé jusqu’au 30 novembre 2021 ou à la date d’entrée en vigueur du nouvel accord si elle intervient plus tôt. Conformément aux directives données aux négociateurs en chef des deux côtés de l’UE et de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, le futur accord se veut ambitieux et complet tant dans son contenu que dans sa portée. Il prévoit un ‘socle commun’ basé sur des valeurs clés, les principes communs et des priorités globales, en particulier la lutte contre le changement climatique, et trois partenariats régionaux adaptés aux spécificités de chaque région (Afrique-Caraïbes-Pacifique). Il est prévu que le socle commun et les trois partenariats régionaux forment un unique instrument juridiquement contraignant. S’agissant de l’Afrique, la volonté commune est de renforcer la dimension continent à continent. Les priorités identifiées pour l’Afrique, qui s’appliqueront à Maurice et aux autres États membres de la COI, couvrent, bien sûr, les thématiques de développement économique, inspirées par l’agenda 2030 et les Objectifs de développement durable. Dans cette phase post-Covid-19, et face aux conséquences de cette crise, elles incluent la croissance économique et la création d’emplois, le développement du capital humain et social, la gestion de l’environnement et des ressources naturelles y compris l’amélioration de la gouvernance des océans ou encore l’essor du digital. Mais l’accord aborde aussi des préoccupations partagées en matière de paix et de sécurité, de démocratie et de bonne gouvernance, de droits humains ou encore de migration. La vulnérabilité particulière et les spécificités des petits États insulaires en développement sont également prises en compte.

Les pays de l’ACP se sont plaints de la façon un peu inégale dont ils sont traités. Selon eux, il y avait un peu une approche de donneur de leçons de la part des Européens. Cela a-t-il été corrigé dans le nouvel accord ? Peuton s’attendre à un dialogue politique qui permettra également aux pays ACP de s’interroger sur ce qui se passe sur le continent européen ?

La coopération entre l’Union européenne et les États ACP date du début des années 70 avec les premiers accords de Lomé. Ce partenariat a été bénéfique pour les deux parties. Les relations entre l’UE et les États ACP ont cependant évolué au cours des accords successifs. Ce partenariat, qui était plutôt axé sur l’éradication de la pauvreté et le développement économique dans les années 80, brasse plus large maintenant. Nous discutons de sujets de plus en plus diversifiés comme le changement climatique, la bonne gouvernance, les droits humains, la digitalisation ou la santé, entre autres. Nous avons institutionnalisé un dialogue politique formel entre l’UE et les pays partenaires ACP depuis Cotonou. Ce dialogue est franc et direct et traite des questions stratégiques et d’intérêt commun, et aussi des questions sensibles comme la migration. Prenez les 27 États membres de l’Union européenne et les 79 États ACP, vous avez un groupe de 106 pays. C’est un groupe avec un pouvoir d’influence non négligeable, surtout sur les questions des enjeux globaux. Le nouvel accord post-Cotonou va marquer une évolution encore plus poussée des relations entre l’UE et les États ACP. À ce titre, il n’y aura plus d’instrument financier de développement dédié (le Fonds européen de développement), ce qui démontre une maturation de la relation, plusieurs pays dont Maurice et les Seychelles étant d’ailleurs devenus dans l’intervalle des pays à haut revenu, ce qui démontre la réussite des réformes menées, soutenues par une bonne utilisation des fonds d’aide au développement. Pour autant, l’engagement de l’UE se poursuit pour les plus fragiles avec des programmes d’aide, mais aussi pour tous par une palette d’outils qui vont des accords commerciaux et d’investissement ou de pêche au financement d’infrastructures stratégiques ou d’intérêt global en matière de changement climatique ou d’économie bleue.

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