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Sheila Ujoodha et Christine Sauzier «L’entreprise de demain devra être agile et extrêmement compétitive»

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Sheila Ujoodha et Christine Sauzier - Business Magazine

Sheila Ujoodha et Christine Sauzier «L’entreprise de demain devra être agile et extrêmement compétitive»

La crise de Covid-19 a eu un impact désastreux sur les entreprises qui sont soumises à un problème majeur de trésorerie. Le mal est-il profond ?

Christine Sauzier : Effectivement, la crise est profonde. Tous les analystes s’accordent à dire que nous n’avons pas vécu une récession mondiale de cette envergure depuis la Seconde Guerre mondiale. Une contraction de l’économie mondiale de -4,4 % est attendue en 2020 et selon la Banque mondiale, plus de 71 millions de personnes ont rejoint le seuil de l’extrême pau-
vreté. Les entreprises qui étaient très endettées au moment de la crise et qui ont à la fois des frais fixes ainsi que des manques de revenus importants sont celles qui souffrent le plus. Pour vous donner une idée, selon une étude faite conjointement par Business Mauritius et Statistics Mauritius avec l’assistance technique de l’UNDP, pour la période d’avril à septembre 2020 comparativement à avril – septembre 2019, 37 % des compagnies privées à Maurice ont une trésorerie réduite (22 % pour les PME et 52% pour les grandes compagnies).
Il est vrai que l’Asie a bien mieux résisté à la crise que l’Europe, tant au niveau sani-
taire qu’économique. Pour les États-Unis, même s’ils sont très atteints sur le plan sanitaire, ils ont la puissance du dollar. On dit souvent que «cash is king ! ». En cette période de crise, cela ne peut être plus vrai.

Sheila Ujoodha: La pandémie de coronavirus a imposé des exigences extraordinaires aux dirigeants d’entreprises et au-delà. Les entreprises ont dû modéliser leurs finances, plus précisément du point de vue des flux de trésorerie, identifier les éléments déclencheurs susceptibles de nuire considérablement aux liquidités et définir les mesures à prendre pour stabiliser leurs organisations. Ces mesures pourraient inclure l’optimisation des comptes fournisseurs et clients et des mesures de réduction des coûts. Cela s’applique non seulement aux entreprises de secteurs tels que le tourisme, l’hôtellerie, le divertissement et le transport aérien, qui ont été particulièrement touchés à court terme, mais aussi aux secteurs des biens de consommation et de la vente au détail, qui sont dans une situation de risque financier plus élevé que la normale.
Il est important de noter que les organisations qui sont particulièrement vulnérables sont celles qui ont de faibles réserves de trésorerie ou des flux de trésorerie instables. Cependant, même les entreprises qui semblent en bonne santé financière peuvent ne pas être à l’abri, selon l’évolution de la situation et le temps qu’il faut pour que la demande et les chaînes d’approvisionnement reviennent à la normale.

Pour survivre, les entreprises sont contraintes de se restructurer d’un point de vue financier et opérationnel. Aujourd’hui, on parle de nouvelle normalité. Comment sera l’entreprise de demain ?

Christine Sauzier : Les entreprises touchées par la crise ont dû se réinventer en urgence : il a fallu très rapidement appendre le télétravail, surtout avec les challenges que cela comporte pour les équipes. On en voit aujourd’hui les limites, surtout au niveau psychologique
pour le personnel. On se retrouve à réduire les coûts pour demeurer compétitifs ou simplement survivre, ou il faut même trouver des nouvelles sources de revenus.
À mon sens, l’entreprise de demain se devra d’être agile et extrêmement compétitive. Ne
pas regarder ce que font ses concurrents mais développer sa spécificité, son expertise ou un
créneau novateur. C’est en cela qu’une entreprise aura du succès. Les services, les nouvelles technologies, la collecte et l’exploitation des données informatiques, l’économie circulaire seront les secteurs porteurs. Les entreprises ont aujourd’hui une chance extraordinaire de revoir leur stratégie et de faire de cette crise une force future.

Sheila Ujoodha : Tout étant perturbé, revenir à la même chose est une stratégie perdante. Les entreprises les plus fortes se réinventent en adop- tant un changement motivé par la pandémie. Au siècle dernier, nous avons souvent considéré la technologie comme un outil de facilitation, un moyen de soutien, un outil que nous utilisons pour soutenir nos entreprises. Au cours de ce siècle, et certainement plus depuis la Covid-19, la technologie est au premier plan. Elle sera le facteur de différenciation concurrentiel pour le fonctionnement de toutes les entreprises et de tous les écosystèmes. Prenons, par exemple, les changements de tendance en
matière de consommation : l’augmentation du nombre de personnes qui cuisinent à la maison, qui font peut-être des choix alimentaires plus sains, ou l’accroissement du nombre d’appareils d’exercice à domicile et le passage au numérique. Je pense qu’avec cela, la circulation dans les centres commerciaux et les visites dans les grands magasins seront remises en question à l’avenir.
Dans le secteur des soins de santé, il y a eu un niveau d’adoption incroyable de la technologie ces derniers mois. Dans de nombreux pays, la tendance est que 70 % à 80 % des consultations
pour les soins primaires se font en ligne ou par téléphone. Il est intéressant de noter que des médecins qui, historiquement, n’auraient pas été disposés à se lancer dans le mode virtuel le font maintenant, et il est possible que même dans l’ère post-Co-vid-19, certains continuent à s’y tenir. L’impact le plus important de la crise Covid-19 sur l’industrie des télécommunications a fait qu’à présent, cette industrie est devenue centrale au fonctionnement de la société moderne. La nécessité de travailler à domicile, de se connecter au système, de
recourir à la visioconférence et le partage de fichiers, font que cette industrie est en plein essor. Les entreprises travaillent donc différemment, ce qui nécessite de nouveaux produits et un nouveau modèle de vente et de service pour soutenir la numérisation de multiples industries. Cela implique un passage plus rapide au cloud et une demande beaucoup plus importante de services d’intelligence artificielle et d’automatisation.

Au sein du Mauritius Institute of Directors, avez-vous revu votre stratégie pour former et
accompagner les dirigeants d’entreprise en cette période de crise ?

Christine Sauzier :Au MIoD, nous adoptons notre offre en formation aux sujets d’actualité. Nous essayons également d’organiser certains webinaires de qualité mais gratuits, sachant que nos membres ont des soucis de liquidité et ont donc réduit leurs dépenses. Nous avons récemment eu un webinaire présenté par Carl Bates de Sirdar Group sur ‘Comment préparer
son conseil d’administration pour 2021 et le coût de ses erreurs’ (Preparing your Board for 2021 and the cost of getting it wrong). Beaucoup de formations sont aussi orientées sur la data et les nouvelles technologies. Il nous faudra nous diriger davantage vers l’économie circulaire et les questions de genre où nous demeurons très en retard à Maurice. La catastrophe ouvre un pan
au rêve. Nous voyons dans cette crise une superbe opportunité pour les entreprises qui ont fait
des nouvelles technologies leur moteur de croissance. De plus, cela ouvre la possibilité à un dialogue croissant et constructif entre le public et le privé. Le MIoD ayant vocation à servir ces deux secteurs, il reste une plateforme intéressante pour rassembler tous les acteurs économiques
autour des questions clés. Un exemple de cette collaboration a été le dernier Position Paper No 8 Guidelines for the Audit Committee on Data Protection, lancé le 14 octobre dernier par l’Audit Forum du MIoD en collaboration avec KPMG et le Data Protection Commissioner, Drudeisha Madhub. Nos autres forums sont les suivants : le Company Secretary Circle, le Directors’ Forum et le Women’s Forum. Toutefois, nous restons également centrés sur notre mission principale : la bonne gouvernance et l’éthique, si importants pour le bon fonctionnement des conseils d’administration.

Sheila Ujoodha :La pandémie de Covid-19 a créé des ondes de choc dans le monde entier et a radicalement changé non seulement nos modalités de travail habituelles, mais aussi l’approche
globale de l’évaluation et de la collecte des données. Comme nous nous appuyons de plus en plus sur la collecte des données à distance, nous sommes également à un tournant en matière d’éthique et de garanties technologiques. Un recours accru à la technologie et aux méthodologies innovantes pour la collecte des données pose de nouveaux défis dans l’application de l’éthique à l’évaluation. La stratégie et le modèle d’affaires du MIoD seront ainsi repensés pour mieux défendre les meilleures pratiques commerciales et éthiques, en soutenant Maurice en tant que leader régional et en collaborant avec les organismes de réglementation et les institutions clés pour établir et promouvoir des lignes directrices efficaces en matière de gouvernance d’entreprise.

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