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Paul Perrier : «Une brèche est apparue dans le monopole bancaire du prêt aux entreprises»

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Paul Perrier (1)

Fundkiss, c’est avant tout la success-story d’une start-up qui, après seulement deux ans d’opération, s’est taillé une solide réputation dans le domaine du crowdlending. Comme le reconnaît son CEO, Paul Perrier, la société est arrivée sur le marché au bon moment, soit lorsque la réglementation encadrant la fintech se mettait en place. Aujourd’hui, Fundkiss peut se targuer d’avoir financé des projets pour un montant de près de Rs 100 millions. Selon Paul Perrier, dans cette ère de disruption où les entreprises recherchent des alternatives au financement bancaire, le potentiel de développement et de croissance du financement participatif est énorme.

Vous avez démarré comme une start-up incubée au sein de La Turbine. Quel est le secret de la réussite quand on est un jeune plein d’idées mais n’ayant aucune expérience du monde de l’entrepreneuriat ?

Je ne pense pas qu’il y ait de secret ou de recette miracle. Mais il y a certains réflexes qui peuvent servir. Avant de lancer Fundkiss, j’en avais parlé à un ami à Paris qui travaillait pour une plateforme de prêts en France. Et il m’avait donné trois conseils qui, après deux confinements et tous les challenges par lesquels nous sommes passés, résonnent tout particulièrement : résilience, résilience, résilience. C’est aussi important d’aller vers les autres et de discuter de votre projet. D’une part, cela permet, grâce aux feedback que vous recevrez, de valider votre idée ou de la faire pivoter. Et, d’autre part, vous n’imaginez pas le nombre de personnes qui seront prêtes à vous aider et/ou accompagner dans le développement de votre projet. D’un point de vue plus macro, on voit depuis quatre ans un écosystème entrepreneurial qui se structure sous l’impulsion notamment d’incubateurs comme La Turbine, le Mauritius Africa Fintech Hub, le Mauritius Research and Innovation Council (MRIC), les regroupements de business angels comme tout récemment Mo’Angels, ou encore des écoles de coding, comme Le Wagon, qui ouvrent leurs portes à Maurice. Il faut qu’il y ait beaucoup plus d’entrepreneurs qui se lancent avec leurs start-up, notamment dans la fintech. Il y a beaucoup d’opportunités et de secteurs d’activités à disrupter ! La dynamique est en marche. Elle doit s’accélérer.

Après seulement deux ans d’opération, Fundkiss a financé des projets pour un montant de près de Rs 100 millions. Est-ce que vous êtes arrivé au bon moment sur le marché quand on sait qu’il y a quelques années encore, il fallait avoir l’autorisation du Commissaire de police pour organiser des levées de fonds via les plateformes en ligne ?

La barre symbolique des Rs 100 millions est proche et nous espérons la dépasser dans les prochaines semaines. Si je pouvais résumer en deux mots notre parcours jusqu’à présent, ils seraient : timing et collaboration. Timing car les opportunités se sont enchaînées assez naturellement. En 2016 , lorsque nous avons l’idée de lancer Fundkiss, La Turbine a ouvert ses portes. En 2017, le cadre régulateur n’existait pas, mais le gouvernement lance le Regulatory Sandbox License. En 2019, il y a eu le lancement du Mauritius Africa Fintech Hub, afin d’accélérer le développement de la fintech à Maurice. Collaboration, parce que nous avons fait le choix dès le départ de travailler avec l’écosystème local. Par exemple, nous collaborons avec d’autres start-up issues de La Turbine, comme LeanSearch sur le référencement et l’acquisition en ligne. Concernant l’analyse des dossiers, nous travaillons avec Strategic Insight Ltd, un bureau d’analyse crédit local. Pour le financement des projets, nous sommes accompagnés, entre autres, par SME Equity Fund. Et pour la communication de notre mission, nous faisons confiance à The Talent Factory. Nous sommes entourés de talents locaux, et nous en sommes fiers. Donc oui, le timing est important mais il est aussi important de savoir saisir les opportunités qui se présentent.

Treize projets financés pour un montant de Rs 12,3 millions en un mois. Est-ce que le marché connaît un coup d’accélérateur ?

Juin 2021 a été notre mois le plus actif à ce jour. Nous avons lancé sur notre plateforme 13 projets pour un montant cumulé de Rs 12,3 millions. Sur ces 13 projets, 7 étaient à Rs 1 million ou plus. Si nous regardons le dernier trimestre, nous avons produit quasiment autant de prêts que sur toute l’année financière 2020. Nous constatons aussi que les campagnes se financent beaucoup plus rapidement. Si l’année dernière, un projet se finançait en moyenne en 15 jours, nous sommes aujourd’hui à 5. L’accélération est bien là et nous souhaitons aller encore plus vite. Nous avons conscience que les montants dont on parle ici sont petits par rapport au volume brassé par les banques et autres institutions financières aujourd’hui. Mais ce qu’il faut regarder, c’est le potentiel de développement et de croissance. Et nous avons devant nous un océan !

L’écosystème du crowdfunding se développe rapidement. On a le sentiment que malgré la concurrence, il y a une bonne entente entre les opérateurs. Qu’en est-il ?

C’est très positif de voir le financement participatif continuer à se développer. La demande est là. Nous avons aujourd’hui quatre opérateurs. Sur la partie donation, il y a Small Step Matters et Crowdfund.mu. Sur l’equity, nous avons Olive Crowd. Et finalement pour le prêt, Fundkiss. Ce qui est intéressant de noter, c’est que la régulation suit le développement du secteur de manière proactive, surtout pour la partie prêts et equity. Chez Fundkiss, il nous a fallu aller chercher les agréments nécessaires auprès des autorités pour pouvoir opérer : une Regulatory Sandbox License lors de notre lancement en 2019 et un Peer-toPeer Lending license émise par la FSC depuis avril dernier. Et la régulation continue d’évoluer. Par exemple, la Financial Services Commission (FSC) a sorti un Consultation Paper en octobre 2020 afin d’élaborer un cadre réglementaire sur le financement participatif sous forme d’equity.

«Juin 2021 a été notre mois le plus actif à ce jour»

La crise a durement impacté les PME qui, plus que jamais, ont besoin de financement autant pour leurs besoins de trésorerie que pour leur développement. Au niveau de Fundkiss, quelles sont les différentes formules de prêts que vous mettez à leur disposition ?

Nous finançons les entreprises de toutes les tailles, du Sole trader à la grosse PME faisant plusieurs dizaines de millions de chiffres d’affaires. Pour être éligible sur notre plateforme, une entreprise doit avoir un minimum de deux ans d’opération et une capacité de remboursement suffisante qui sera déterminée par l’analyse crédit. Un des principaux avantages de notre solution, c’est que les prêts sur Fundkiss sont sans garanties, ni cautions personnelles. Nous finançons des projets allant de Rs 50 000 jusqu’à Rs 5 millions. Les entreprises qui viennent sur notre plateforme sont issues de secteurs d’activités différents, mais les trois principaux sont : le commerce, l’agriculture et la construction. Les besoins financés en priorité sont le fonds de roulement, l’achat d’équipements et/ou de véhicules, et l’importation de marchandises. Nous souhaitons à travers notre solution offrir un financement simple et rapide. Nous continuerons à investir dans la technologie et à accompagner au mieux les entreprises dans la relance.

Quelles sont les étapes à suivre pour un entrepreneur avant de pouvoir lever des fonds à travers votre plateforme de prêts ?

C’est très simple. La première étape, c’est de soumettre une application directement en ligne sur notre plateforme fundkiss.mu. Cela se fait en quelques clics. Il n’y a pas besoin de se rendre physiquement dans nos bureaux. Une fois l’application reçue, nous accompagnons l’entrepreneur aux différentes étapes, de l’analyse crédit jusqu’à la mise en ligne de son projet, en passant par la préparation de la page projet.

Une fois le projet mis en ligne, notre communauté d’investisseurs individuels et particuliers prête directement à travers notre plateforme, fundkiss.mu. Les campagnes sont financées en moyenne en cinq jours. Le financement est donc rapide… et nous souhaitons pouvoir aller encore plus vite.

«Les campagnes sont financées en moyenne en cinq jours»

En tant que marketplace agissant comme intermédiaire entre l’emprunteur et le financeur, comment assurez-vous le suivi des projets ?

Une fois le projet financé et les fonds déboursés à l’emprunteur, nous faisons un suivi hebdomadaire des projets afin de nous assurer que les remboursements sont effectués à temps pour les prêteurs. À la suite du second confinement, il y a des emprunteurs qui se sont retrouvés en difficulté. En accord avec les investisseurs sur ces projets, nous avons mis en place un moratoire sur le capital, tout en continuant à payer les intérêts. Nous avons une dizaine d’entreprises dans ce cas de figure. Je tiens à saluer la solidarité de notre communauté d’investisseurs envers nos emprunteurs dans un contexte économique difficile. Nous comprenons aussi qu’il faille aller au-delà du simple financement et qu’il faille accompagner nos emprunteurs dans leur développement. Nous travaillons aussi sur une initiative qui ira dans ce sens et que nous lancerons prochainement.

Compte tenu de son modèle d’affaires, qu’en est-il des garde-fous que Fundkiss a mis en place pour protéger ses données sensibles, notamment contre les risques de cyberattaques ?

Mieux vaut prévenir que guérir ! C’est pourquoi nous adoptons une approche proactive en matière de cybersécurité. Nous travaillons avec goCloud, un prestataire local avec de nombreuses années d’expérience dans le domaine de la sécurité informatique. Pare-feu pour protéger notre réseau et bloquer le trafic indésirable, double opt-in et surveillance à distance de notre matériel informatique font partie intégrante de notre quotidien. Quant aux données, elles ne sont disponibles au sein de l’entreprise qu’aux salariés qui ont un besoin réel de connaître l’information. Nous avons mis en place des politiques pour compartimenter les données au sein de notre réseau Cloud. Elles sont sauvegardées en toute sécurité plusieurs fois par jour. Nous respectons évidemment toutes les règles et directives du Data Protection Act. Chaque semaine, nous effectuons volontairement des tests d’intrusion pour identifier et corriger les vulnérabilités au sein de nos systèmes.

En cette période de crise, les banques se montrent très prudentes avant de débloquer du crédit en faveur des TPE et PME en arguant le risque élevé de défaut de paiement. Est-ce que cet état de fait pousse davantage les entrepreneurs à se tourner vers les plateformes de crowdfunding ?

Le gouvernement, les institutions publiques et les banques commerciales ont fait beaucoup d’efforts pour soutenir les entreprises et les ménages depuis mars 2020. Ces institutions ne peuvent pas tout faire. Il y a un besoin d’alternatives, surtout quand l’accès au financement est un problème global. Nous constatons aussi un changement des habitudes de financement sous l’impulsion de la numérisation du secteur financier, que la pandémie a accéléré. De plus en plus d’entrepreneurs ont pris conscience des avantages de la diversification de leurs sources de financements au-delà de leur banque traditionnelle. Aujourd’hui, ils ne veulent plus se contenter de la relation traditionnelle et souhaitent avoir le choix d’une procédure à distance qui soit simple et rapide. Cela permet d’économiser du temps, de réduire les frustrations, et d’accroître les chances d’obtenir le crédit dont ils ont besoin.

Quels sont les mécanismes qui sont mis en place par Fundkiss pour rassurer les investisseurs que leurs placements sont garantis et que les emprunteurs honoreront leurs engagements ?

Valeur du jour, plus de 2 600 investisseurs ont créé un compte sur Fundkiss et 19,5 % d’entre eux ont fait au moins un investissement. Nous conseillons toujours à nos investisseurs de diversifier au maximum leur portefeuille en prêtant sur plusieurs projets. Prêter aux PME est un investissement risqué car il peut y avoir des retards de paiement ou même des défauts. Et la meilleure protection demeure la diversification du portefeuille. Ensuite, nous faisons une sélection drastique des projets. Moins de 5 % des applications reçues sont mises en ligne. L’accès au MCIB (Mauritius Credit Information Bureau) nous permettra de continuer à améliorer notre processus de sélection. Par ailleurs, nous avons mis en place des limites d’investissements. Par exemple, un investisseur individuel pourra prêter entre Rs 5 000 et Rs 100 000 par projet. Cette limite est à Rs 1 million pour les investisseurs institutionnels.

«Plus de 2 600 investisseurs ont créé un compte sur Fundkiss»

Photo : Ejilen Ramasawmy

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