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Georges Talbotier : «Maurice ne pourra pas vivre fermé éternellement»

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Georges Talbotier : «Maurice ne pourra pas vivre fermé éternellement» | business-magazine.mu

Économiquement, le pays n’a pas été épargné par la crise de Covid-19. Comment donner à Maurice les ressources nécessaires pour rebondir tout en garantissant plus d’équité ?

Nous rentrons dans le vif du sujet. En premier lieu, il serait très pertinent de faire un audit multisectoriel des conséquences de la crise de Covid-19. Les différents commentaires faits aussi bien par le secteur privé que par le secteur public ne tiennent compte pratiquement que d’éléments macroéconomiques. Ces éléments ne sont à ce stade pas fiables ou partiels. Une analyse sectorielle permettra de constater l’étendue des dégâts. C’est la partie émergée de l’iceberg ; la situation est bien plus grave. Nous nous endettons beaucoup, nous nous appauvrissons très vite. Cela dit, nous souhaitons à Maurice la même reprise que la plupart des autres pays, à savoir, qu’elle soit plus rapide qu’envisagée. La situation de notre ‘petit pays’ en termes de taille du marché intérieur change la donne. Il n’y a pas de miracle ; il faut de la gestion, de la rigueur, arbitrer selon les priorités, et elles sont nombreuses. Si le secteur privé et le secteur public ne font pas bloc – ce qui a toujours été notre force –, ce sera très dangereux.

Le secteur privé doit être concerté. Quand je dis secteur privé, j’entends le secteur dans son ensemble, et non pas que quelques organisations ou groupes. Les hommes et les femmes du gouvernement doivent s’atteler à la reconstruction de notre île, comme tous les hauts fonctionnaires et membres des corps paraétatiques unis avec le secteur privé. L’effort doit être vertical, transversal, horizontal, général. Quelques rationalisations ne seront pas suffisantes.

Pour rester focalisé sur la Covid-19 et donc la santé, je pense que notre système de santé est bon, mais qu’il faudrait le rendre excellent, voire à l’avant-garde mondiale pour que nous n’ayons plus à devoir choisir entre la santé et la survie économique. Nous devons aussi fermement nous atteler au chantier régional. Nos amis de l’océan Indien sont notre force. Or, nos liens et nos collaborations sont encore trop fragiles, et nous avançons trop lentement. Il faut partager ce destin géographique commun, en aborder les enjeux et trouver ensemble les solutions. Pour reprendre un thème précieux à un ami : «la complémentarité dans la diversité». Enfin, pour l’équité, qui est une valeur qui m’est très importante, il en va de la responsabilité de chacun. C’est une notion, mais l’équité peut être une décision. Il ne faut pas confondre avec égalité ou nivellement. Nous avons tous la capacité de prendre des décisions ou d’agir de façon plus juste, plus respectueuse, plus valorisante, plus solidaire. C’est très dur en temps de crise et de survie, mais c’est indispensable pour que chacun ait sa place dans notre société et accède au bonheur. 

GEORGES

Selon certains observateurs, les trois principaux vecteurs de croissance du pays, à savoir, le tourisme, le global business et les industries à l’exportation, ont tous des ratés, reflétant leurs différents maux. Dans quelle direction doit-on s’engager pour redynamiser le modèle économique ?

Les piliers économiques que vous citez sont massifs au niveau de la création de valeur à Maurice. Car au-delà d’être des moteurs économiques, cela veut dire beaucoup plus : formations, savoir-faire, qualifications, expertises. Ce sont ces sacrifices, ces investissements humains, ces années passées pour atteindre des standards, dont nous pouvons être très fiers. C’est aujourd’hui tout cela, et notre rayonnement qui est en péril, en plus de l’arrêt du flux de devises que ces secteurs garantissaient à notre île. C’est le travail de tous ces employés qui a permis cette réussite. C’est très triste de voir le bilan actuel.

Pour revenir à l’aspect économique et pour être très clair, il est bon de dire que des mutations étaient en cours. Elles étaient indispensables pour rester compétitifs et exister sur la carte mondiale. Ces trois piliers étaient challengés par d’autres destinations. Les opérateurs du tourisme doivent avec les autorités ‘réinventer’ la destination Maurice. Que voulons-nous offrir ? Je pense que small is beautiful. Il faut que nous soyons une pristine destination. Cela veut dire : humaine, culturelle, propre, écologique. Des prestations soignées dans une île dont nous prenons soin. Que les gens viennent pour cela. Ce message, nous pouvons l’avoir en commun avec nos amis des îles voisines de l’océan Indien, zone préservée et harmonieuse du monde.

Le secteur financier dans cette même lignée doit être exemplaire, attractif, vertueux pour notre pays et pour la région. La finance doit aussi se doter d’une couleur verte et humaine. Affirmons des partis pris et soyons exigeants ! La finance raisonnable est vertueuse même si quelques acteurs peuvent être mauvais. Les investisseurs responsables – capital positif – recherchent des destinations d’investissement qui correspondent à leurs valeurs et leur image. Bénéficier du secteur financier mauricien doit être un must, un privilège mérité.

Pour les industries de l’exportation. Même analyse, pour moi : la qualité, la valeur ajoutée, l’image. Misons ici sur l’innovation, la technicité, capitalisons et continuons à donner du sens au Made in Moris. L’île regorge de savoirfaire et d’expertises pointues. Montrons sur l’ensemble des secteurs, à nos partenaires régionaux et internationaux, la valeur de nos produits. Montrons-leur nos vraies valeurs. D’un autre côté, pour sortir d’une crise, la confiance est primordiale. La communication, la transparence et la gouvernance sont ainsi des conditions sine qua non pour assurer cette confiance. Cela dit, pensez-vous que la stratégie du gouvernement pour sortir le pays de cette ornière a des chances de succès ? La confiance est, en effet, essentielle quand nous avons des défis à relever. Je rajouterais l’action, la vision et la sincérité. Il faut dire la vérité : l’État ne pourra pas soutenir seul ce rythme de dépenses et notre île ne pourra pas vivre fermée éternellement. L’équation est très complexe et je ne jette pas la pierre, mais le secteur privé a besoin de visibilité. Il faut que nous avancions tous dans le même sens. Cela dit, je suis bel et bien conscient des risques sanitaires que nous encourons. Néanmoins, sans une réouverture prochaine de nos frontières, une partie de la population de l’île risque de sombrer dans une précarité et une misère certaine. Sachant que même lorsque la décision de rouvrir les frontières sera prise, le retour à la normale ne sera pas instantané, et notre économie aura besoin de temps avant de pouvoir redémarrer

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