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Erik Von Uexküll (Senior Country Economist de la Banque Mondiale) «Il est urgent de débloquer des investissements privés plus productifs»

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Erik Von Uexküll

Dans son Country Economic Memorandum rendu public ce mercredi, la banque mondiale fait une série de recommandations pour corriger les problèmes structurels auxquels l’économie mauricienne fait face et qui sont antérieurs à la pandémie. Dans un entretien exclusif à Business Magazine, le Senior Country Economist et Country Representative de la banque mondiale pour Maurice et les Seychelles, Erik Von Uexküll, donne la recette pour sortir de la crise actuelle : il faut combiner la relance à court terme avec des réformes structurelles ayant pour objectifs de débloquer les investissements du secteur privé, de restaurer la compétitivité et de favoriser l’inclusion.

La Banque mondiale rend public son nouveau Country Economic Memorandum pour Maurice ce mercredi. Un rapport qui a été préparé en pleine pandémie. En tant que Senior Country Economist de la Banque mondiale, quel est votre état des lieux de l’impact de la crise sur l’économie mauricienne ?

Tout d’abord, je pense que les Mauriciens méritent d’être félicités pour la gestion de l’urgence sanitaire de Covid-19. Chaque vie perdue à cause de cette maladie est une vie de trop. Maurice a surmonté la pandémie mieux que la plupart des autres pays du monde. C’était impressionnant d’en être le témoin direct au cours de l’année dernière. Malheureusement, en termes économiques, le pays a été très durement touché. Si l’on compare les prévisions de croissance du PIB pour 2020 avant la pan[1]démie (entre 3 % et 4 % selon les sources) et le résultat réel, soit une récession de près de 15 %, on constate qu’aucun autre pays d’Afrique n’a perdu autant en termes économiques à cause de la pandémie.

Cela s’explique par la forte dépendance de l’économie à l’égard du tourisme et des voyages – y compris les voyages d’affaires – ainsi que par les mesures de confinement. Le gouvernement a réagi avec un solide programme de soutien, l’un des plus larges au monde si l’on considère sa part du PIB. Cela a permis d’éviter une crise secondaire dans le secteur financier et des licenciements massifs. Mais nous constatons que le chômage a repris et s’élevait à 10,4 % à la fin de 2020. Ce qui est peut-être encore plus inquiétant, c’est que l’effet de la pandémie semble avoir été plus prononcé sur ceux qui étaient déjà vulnérables auparavant. 69 % des personnes travaillant à leur compte ont déclaré des pertes de revenus, contre 20% des salariés, selon les données de Statistics Mauritius.

Le pays peut-il rebondir ?

Absolument ! Notre rapport affirme que Maurice peut même revenir plus fort qu’il ne l’était auparavant. Mais cela ne se produira que si la crise sert de signal d’alarme pour relever des défis de longue date pour réussir une croissance inclusive : débloquer des investissements plus productifs, restaurer la compétitivité, maintenir l’inclusivité et faire plus avec moins de fonds publics. En fait, Maurice fait déjà beaucoup de choses bien et la plupart des réformes économiques de première génération, de grande envergure, qu’on pourrait discuter dans d’autres pays, ont déjà été mises en œuvre ici au cours des dernières décennies. La partie la plus délicate consiste maintenant à affiner le fonctionnement de ces nombreuses institutions, pour la plupart performantes, et à améliorer la coordination des politiques afin de relever des défis complexes et multisectoriels dans des domaines tels que le développement des compétences, la gestion des ressources naturelles, l’innovation et la promotion des investissements. Et n’oublions pas qu’en tant que pays à revenu élevé, Maurice doit nécessairement modifier ses critères de référence pour rivaliser avec les meilleures pratiques mondiales dans ces domaines.

Le succès de la campagne de vaccination aux États-Unis devrait accélérer la relance de l’économie américaine. Comment Maurice va-t-il profiter de cette embellie de l’environnement économique mondial ?

À court terme, la reprise du secteur touristique sera bien sûr le facteur déterminant de la reprise économique. Il faut espérer que les progrès de la vaccination et la baisse des taux d’infection donneront aux gens la confiance nécessaire pour revenir en vacances ici, une fois les frontières rouvertes. L’expérience des Seychelles est assez encourageante dans la mesure où elle montre le potentiel d’un rebond rapide du tourisme après la réouverture, mais elle souligne également l’importance de maintenir une surveillance étroite et un suivi sanitaire en place lorsque les touristes reviennent.

Mais pensons aussi au moyen terme. En tant que petite économie ouverte, Maurice bénéficie de son interaction avec l’économie mondiale comme peu d’autres pays. Alors que les exportations ont déjà largement repris, la réouverture des frontières et l’amélioration des conditions économiques mondiales donneront, espérons-le, un élan aux investissements transfrontaliers et aux échanges d’idées, de technologies et – cela est très important – de personnes.

Déjà avant la pandémie, l’économie mauricienne faisait face à des problèmes d’ordre structurel comme le fait que les capitaux étrangers qu’on attire sont surtout des investissements non productifs ou encore notre perte de compétitivité au niveau des exportations. Comment peut-on adresser ces problèmes structurels ?

Débloquer des investissements privés plus productifs – qu’ils soient étrangers ou nationaux – est une priorité urgente. Ces dernières années, la part du PIB investie a été nettement inférieure à ce qu’elle était auparavant, et environ le tiers de cette part est consacré à l’immobilier.

Pour remédier à cette situation, il convient de s’attaquer à un certain nombre de contraintes intersectorielles, notamment en redoublant d’efforts pour combler les lacunes en matière de compétences là où elles apparaissent ; en encourageant la concurrence, en particulier dans les industries d’amont clés ; en gérant les ressources naturelles d’une manière qui allie durabilité et prévisibilité pour les investisseurs ; et en ouvrant plus d’espace pour les partenariats public-privé dans des domaines tels que la gestion des déchets solides ou le port. Une question importante se pose également sur le rôle de l’État dans la promotion des investissements. De nombreuses subventions et incitations fiscales bénéficient principalement à des secteurs déjà bien développés. D’autres mesures, dont la plupart des congés fiscaux, sont trop ciblées dans le sens où elles favorisent des secteurs ou des activités spécifiques. Nous pensons qu’une approche plus neutre, où l’argent public soutient la découverte et l’innovation où qu’elles se produisent, donnerait de meilleurs résultats. En général, les novateurs savent déjà où ils veulent aller. Ils ont peut-être besoin d’aide pour surmonter les premiers obstacles sur leur chemin. La perte de compétitivité des exportations est certainement un sujet préoccupant. Entre 2009 et 2019, les exportations sont passées de 57 % à 40 % du PIB. Sur la même période, Maurice a perdu des parts de marché dans ses six principaux secteurs d’exportation. Cela inclut le tourisme, où avant la Covid-19 il y avait une croissance solide, mais pas aussi rapide que le marché mondial et les concurrents régionaux. Dans le secteur de l’habillement et des services aux entreprises, la croissance des exportations mauriciennes a été négative en termes absolus. Maurice a gagné des parts de marché dans certaines activités manufacturières non traditionnelles, notamment les engrais, les appareils médicaux et les lunettes optiques, qui représentent des réussites d’entreprises individuelles ou de petits groupes, mais qui sont trop petits pour inverser la tendance. Maurice est clairement en train de dépasser sa compétitivité dans les produits peu complexes et à forte intensité de main-d’œuvre. La bonne nouvelle est qu’il existe des possibilités de mise à niveau au sein des industries et entre elles, ainsi que de la régionalisation des chaînes de production. Mais cela nécessitera des efforts supplémentaires pour développer de nouveaux produits ou améliorer les produits existants. L’investissement étranger peut être un outil puissant pour conduire ce changement, tant en termes de technologie que d’accès aux chaînes de valeur clés.

Faut-il privilégier une politique de roupie faible pour améliorer la compétitivité du secteur d’exportation ?

Sur la base des tendances observées avant la Covid-19, notamment l’augmentation du déficit commercial, et les récentes fluctuations, je dirais que la roupie est encore quelque peu surévaluée par rapport à l’objectif de compétitivité des exportations. Cela est dû aux importants flux financiers qui entrent et sortent du pays et qui sont liés au secteur commercial mondial. Si la plupart de ces flux entrent et sortent dans un laps de temps relativement court, certains restent temporairement dans le pays et génèrent des excédents nets en investissements de portefeuille et en investissements directs. Cela a permis à la Banque de Maurice d’accumuler d’importantes réserves extérieures, mais cela a également créé une pression à la hausse sur le taux de change qui désavantage l’économie réelle orientée vers l’exportation. Dans la situation actuelle où la Banque de Maurice est régulièrement intervenue pour stabiliser la roupie au cours de l’année écoulée, il serait souhaitable de permettre une dépréciation supplémentaire tout en se concentrant sur la gestion des contraintes de liquidité en devises à court terme afin de soutenir la reprise du secteur des exportations.

De nouvelles opportunités commerciales s’ouvrent avec l’Afrique suivant la création de la Zone de libre-échange continentale et l’Inde et la Chine avec lesquelles Maurice a récemment signé des accords. Faut-il prôner un modèle de développement Sud-Sud ?

Je ne pense pas qu’il faille choisir entre un modèle Sud-Nord ou Sud-Sud, mais Maurice peut poursuivre les deux en même temps. Cultiver les relations commerciales existantes avec l’Europe et les États-Unis reste important, mais en même temps, il y a des opportunités très intéressantes qui s’ouvrent grâce à ces nouveaux accords avec la Chine, l’Inde et la Zone de libreéchange continentale africaine. Notre analyse a identifié plusieurs groupes de produits pour lesquels Maurice bénéficie de marges de préférence substantielles sur ces marchés qui pourraient encourager de nouvelles exportations sophistiquées. La plupart des produits identifiés se trouvent dans les catégories des machines légères, des appareils électriques et des produits en plastique. Nous travaillons avec l’Economic Development Board (EDB) pour fournir aux producteurs locaux des informations sur ces opportunités. L’accès préférentiel au marché peut également être utilisé pour attirer des investisseurs potentiels désireux de créer des entreprises axées sur l’exportation à Maurice. Ces accords renforcent également l’attrait de Maurice en tant que centre régional de services pour les investisseurs, y compris ceux des pays tiers, désireux de profiter d’un meilleur accès au marché africain, indien ou chinois.

La refonte de l’économie mauricienne passera par l’innovation. Cela dit, quelle part de la politique publique doit être consacrée à l’innovation ?

En effet, l’innovation et la découverte sont des facteurs clés de la productivité des entreprises et de la croissance économique à long terme. Ces activités génèrent d’importantes externalités positives, car elles ne profitent pas seulement à l’entreprise qui les entreprend, mais produisent des effets de démonstration dans toute l’économie. Ainsi, les résultats du marché pur ont tendance à entraîner un sous-investissement dans l’innovation et la découverte et la plupart des pays, y compris Maurice, adoptent à juste titre une variété de mesures pour les encourager. Je dirais que si nous examinons toutes les formes de soutien de l’État à Maurice – incitations fiscales, subventions, soutien indirect par le biais de sociétés paraétatiques, entre autres –, une grande partie soutient en fait le statu quo en réduisant les coûts des entreprises existantes dans des secteurs bien établis. Ces mesures pourraient être revues pour voir comment elles peuvent se concentrer davantage sur l’incitation des entreprises à innover. En même temps, il existe un grand nombre de programmes de soutien à l’innovation, et la plupart d’entre eux sont bien conçus et bien gérés. Il pourrait même y avoir un problème de fragmentation, avec des institutions comme le MRIC (Mauritius Research and Innovation Council), SME Mauritius, l’EDB, la Higher Education Commission et le NPCC (National Productivity and Competitiveness Council) qui gèrent chacun leurs propres programmes. Une certaine consolidation des mesures ainsi qu’une attention particulière au suivi et à l’évaluation afin de déterminer ce qui génère les meilleurs résultats pour l’argent pourraient considérablement améliorer l’efficacité du soutien à l’innovation.

«Notre rapport affirme que Maurice peut même revenir plus fort qu’il ne l’était auparavant»

Parlant de disparités : si Maurice affiche ouvertement son ambition de devenir une économie plus inclusive, force est de constater que le chômage chez les femmes et les jeunes reste élevé. Comment adresser ce problème ?

À l’heure actuelle, seule une femme mauricienne sur trois ayant suivi jusqu’à l’enseignement primaire participe au marché du travail, contre plus de deux femmes sur trois ayant suivi l’enseignement secondaire supérieur. Environ 2 jeunes Mauriciens sur 10 ne sont ni dans l’enseignement, ni dans l’emploi, ni en formation. Et environ 2 sur 3 dans ce groupe sont de jeunes femmes. Leur intégration dans le marché du travail est essentielle pour rendre la croissance plus inclusive et offrir à chacun la perspective d’une vie professionnelle productive, mais cela nécessite un soutien ciblé. Cela passe par des programmes de soutien plus efficaces et plus complets, associés à des mesures visant à remédier aux désavantages structurels auxquels ces groupes sont confrontés. Je voudrais souligner l’importance d’augmenter et de subventionner l’offre de services de garde d’enfants et de renforcer l’éducation de la petite enfance. Il s’agirait d’une double victoire pour l’inclusion en encourageant davantage de femmes à travailler tout en soutenant les enfants des ménages issus de milieux défavorisés pendant les premières années cruciales afin de mieux les préparer à l’école primaire.

La réforme des politiques de congé de maternité et de paternité pourrait conduire à une répartition plus équitable de la garde des enfants entre la mère et le père. De même, le transfert de la responsabilité individuelle des entreprises en matière de congé de maternité vers un régime public basé sur les contributions des employeurs permettrait d’éviter les préjugés à l’encontre de l’embauche de jeunes femmes. Les programmes éducatifs visant à remettre en question les normes sociales qui empêchent les femmes de réussir sur le marché du travail, y compris un effort de toute la société contre la violence sexiste, et une meilleure application des lois existantes pour empêcher la discrimination sexiste sur le marché du travail, sont également des éléments importants de la solution. Il existe également un lien évident avec l’éducation. Environ 55 % des jeunes inactifs n’ont pas obtenu le School Certificate. En réduisant les grandes disparités dans les résultats d’apprentissage en fonction du statut socio-économique, en permettant aux écoles ayant du retard d’améliorer leur efficacité en donnant une seconde chance aux jeunes ayant abandonné prématurément leurs études, on pourrait s’attaquer aux principales sources d’exclusion.

«La pénurie de compétences à différents niveaux reste l’un des principaux obstacles au business à Maurice»

Qu’en est-il de notre système d’éducation publique ? Est-ce qu’il permet au pays de constituer un bassin de compétences suffisant pour répondre aux défis de demain ?

Maurice est considéré à juste titre comme un pays performant en matière d’éducation. Il figure en tête du classement africain du Human Capital Index 2020 de la Banque mondiale pour les années effectives de scolarisation par enfant. Toutefois, cet indicateur montre également qu’il reste une im[1]portante marge d’amélioration. En moyenne, les enfants mauriciens peuvent espérer passer 12,4 ans à l’école. Toutefois, leurs résultats d’apprentissage effectifs, mesurés par des tests standardisés, ne correspondent qu’à 9,4 années de scolarité dans les écoles les plus performantes du classement. La pénurie de compétences à différents niveaux reste l’un des principaux obstacles au business à Maurice. La fragmentation des responsabilités au niveau de la gouvernance se traduit par un désalignement et un manque de consultation du secteur privé au niveau de nombreux établissements d’enseignement et de formation. Nous avons mené une enquête qui a révélé que moins de la moitié d’entre eux consultent des experts de l’industrie lorsqu’un nouveau programme est conçu et qu’ils fondent même leurs programmes sur les normes du secteur privé. La mise en place d’un leadership institutionnel plus efficace pour implémenter la National Skills Development Strategy auprès de toutes les parties prenantes, en particulier le secteur privé, serait une première étape importante. Cela pourrait se faire en renforçant le mandat et les capacités du Human Resource Development Council. Le National Training Fund doit également être réformé pour mieux répondre aux besoins des PME qui ne bénéficient guère de son soutien. Le système d’enseignement et formation technique et professionnel (EFTP) est trop axé sur l’EFTP pour les métiers simples, dont les résultats en matière de placement sont limités, alors que le secteur privé exprime le besoin de diplômés de l’EFTP ‘supérieur’ dont les programmes mettent l’accent sur l’apprentissage sur le lieu de travail. Il est également nécessaire de mettre davantage l’accent sur les compétences socio-émotionnelles.

Le Budget 2021-2022 sera présenté prochainement. Le ministre des Finances a annoncé qu’il comprendrait deux principaux volets : la relance de l’économie et l’adoption de réformes essentielles. Au vu de la dégradation des finances publiques, a-t-il les moyens de réaliser nos objectifs à court et long termes ?

Combiner la relance à court terme avec des réformes structurelles dans les domaines que nous avons abordés – débloquer les investissements du secteur privé, renforcer la compétitivité, maintenir l’inclusion – est la bonne approche pour sortir de la crise actuelle. Il est intéressant de noter qu’un grand nombre des mesures que nous proposons dans le rapport – par exemple, la réorientation du soutien de l’État vers l’innovation, l’ouverture d’un espace pour les partenariats public-privé, la concentration de la protection sociale en faveur de ceux qui en ont le plus besoin, la conversion des prestations de congé de maternité d’une responsabilité individuelle de l’employeur à une responsabilité collective – n’entraînent pas de coûts supplémentaires pour le gouvernement, mais une réaffectation des ressources. Je suis fermement convaincu que Maurice peut faire plus avec moins en faisant le meilleur usage possible de ses ressources financières publiques limitées.

«Maurice peut faire plus avec moins en faisant le meilleur usage possible de ses ressources financières publiques limitées»

Comment peut-on y parvenir ?

Cela nécessitera un degré extraordinaire de cohérence dans les politiques publiques afin de garantir que les ressources des différents secteurs et agences soient alignées sur les objectifs stratégiques. Le rapport identifie un certain nombre de domaines dans lesquels la cohérence des politiques pourrait être améliorée. Mais cela ne se fait pas tout seul ; il faut un cadre institutionnel et des capacités adaptées. Une nouvelle génération de systèmes agiles de planification du développement national donne des résultats prometteurs en améliorant la cohérence des politiques dans plusieurs pays. Par le passé, la planification était souvent considérée comme une relique des économies dirigées et du développement piloté par l’État, mais cette nouvelle génération de planification est différente, plus agile, plus flexible et totalement cohérente avec une approche moderne de la politique industrielle qui soutient le secteur privé plutôt que de le diriger. La création du nouvel Economic Research and Planning Bureau est un premier pas dans la bonne direction, mais il faut le rendre opérationnel et le relier à un système de planification plus large dans les organismes publics. Une autre priorité essentielle consiste à améliorer le suivi et l’évaluation dans tous les domaines, afin que les décideurs reçoivent un retour d’information rapide sur les programmes qui fonctionnent et ceux qui ne fonctionnent pas. De cette façon, les ressources peuvent être réaffectées aux programmes les plus efficaces et les problèmes qui compromettent l’efficacité des politiques publiques peuvent être abordés dès leur apparition. Enfin, un dialogue très étroit avec le secteur privé et la société civile est essentiel.

Si le niveau de la dette publique (environ 92 % du PIB) est une source d’inquiétude, il n’empêche que le gouvernement n’aura d’autre choix que d’emprunter auprès des pays ou des institutions multilatérales pour financer le Budget. Jusqu’où peut-on s’endetter ?

Maurice a la chance de disposer d’un marché financier bien développé et, avant la Covid-19, le gouvernement a pu s’appuyer principalement sur les liquidités du marché intérieur pour son financement. Pendant la pandémie, les emprunts extérieurs ont augmenté, mais une grande partie du déficit budgétaire a également été financée par la Banque centrale. Pour placer la dette publique sur une trajectoire viable, il ne s’agit pas de fixer un chiffre cible particulier, mais de veiller à ce que les dépenses soient progressivement réduites en fonction de la reprise de l’économie, tout en prenant dès maintenant les bonnes décisions pour faire face aux pressions sur les dépenses à moyen terme. À moyen terme, l’un des principaux postes de dépenses est celui lié à la pension de vieillesse (BRP) du fait des augmentations ultérieures et des tendances démographiques. Il est clair que les décisions prises aujourd’hui auront des conséquences à long terme. Les efforts visant à générer des recettes supplémentaires pourraient également être soutenus en examinant les congés fiscaux et autres exemptions qui diminuent le montant des recettes collectées. Et comme je l’ai déjà mentionné, il est possible d’améliorer l’efficacité des dépenses publiques.

“Le coût croissant de la BRP pourrait réduire l’espace fiscal pour des mesures plus ciblées qui soutiennent les pauvres”

 

Justement, la Banque mondiale a toujours été une partisane d’une réforme du système de pension, qui est un sujet politiquement sensible. Maurice doit-il tôt ou tard s’engager dans une telle réforme ?

Actuellement, la pension de vieillesse universelle représente plus de 50 % de l’ensemble des dépenses sociales. Elle est de plus en plus coûteuse, mal ciblée et encourage les gens à prendre leur retraite trop tôt car elle est versée à partir de 60 ans. Le niveau de la BRP a été considérablement augmenté depuis sa création, et aujourd’hui, l’espérance de vie restante à 60 ans est de 20,6 ans, contre 12,6 ans lors de la création de la BRP. Si la tendance actuelle se poursuit, la part de la population âgée de 60 ans et plus, actuellement de 16,8 %, devrait atteindre près de 25 % en 2030, 30 % en 2045 et 35 % en 2058. La BRP n’est pas le bon instrument pour éradiquer la pauvreté car elle profite à tous, riches ou pauvres. Le risque que je vois est que son coût croissant pourrait réduire l’espace fiscal pour des mesures plus ciblées qui soutiennent les pauvres, comme le plan Marshall ou l’aide sociale, des programmes qui sont très efficaces pour réduire la pauvreté et l’inégalité à Maurice. La pandémie a rendu ce risque encore plus aigu en réduisant davantage l’espace fiscal et en ajoutant à la nécessité d’une protection sociale ciblée. La réforme de l’année dernière, avec l’introduction de la CSG (Contribution sociale généralisée), a plafonné toute nouvelle augmentation de la BRP. L’âge de la retraite de la BRP reste fixé à 60 ans, mais les prestations de la CSG n’interviennent qu’à 65 ans, ce qui est positif. Ma préoccupation est que les retraités qui ne bénéficient plus du National Pension Fund continueront à demander des augmentations de la CSG. Il sera donc essentiel de mettre en place un système clair basé sur des règles pour les augmentations futures. Une solution consisterait à limiter le niveau de la prestation à ce qui peut être financé par les recettes de la CSG pour éviter une subvention budgétaire supplémentaire. Nous calculons que ce serait le cas si la prestation était fixée à environ Rs 2 500.

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