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Daniel Essoo «Il n’y a pas eu d’hécatombe le 1er octobre»

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Daniel Essoo «Il n’y a pas eu d’hécatombe le 1er octobre» | business-magazine.mu

Quel est le sentiment dans le secteur bancaire ?

Les banquiers sont fatigués ; ils travaillent particulièrement dur en ce moment ! Le sentiment est caractérisé par l’incertitude et le manque de visibilité. L’incertitude est sur tous les plans ; que ce soit en termes de la pandémie elle-même ; car nous ne savons pas ce qui va se passer, et par ses conséquences économiques. Il y a beaucoup de facteurs à prendre en considération : comment les sociétés vont se porter quand les mesures de soutien arriveront à une fin ? Comment les marchés traditionnels de l’économie locale vont-ils réagir ? Quels seront les effets conjugués de la liste noire, des changements en Inde et de la conjoncture internationale incertaine ? Nous ne savons pas ce que nos clients vont faire. Face à ces incertitudes, je ne sais pas si quelqu’un a des réponses aujourd’hui. Ce que nous devons forcément faire, c’est de continuer à travailler très dur et d’être à l’écoute des clients.

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Ces derniers mois, les pouvoirs publics, la Financial Services Commission, la Banque de Maurice et les opérateurs du secteur financier bancaire et non bancaire ont travaillé en étroite collaboration. Dans l’adversité, tout le monde s’unit autour d’un objectif commun. Est-ce la voie à suivre alors que Maurice se positionne dans la nouvelle normalité ?

La bonne collaboration entre le secteur privé et les autorités étatiques a toujours été l’une de nos grandes forces. Au cours des semaines et des mois à venir, les choses vont être de plus en plus difficiles. La seule et unique façon de traverser cette crise, c’est à travers la continuation d’un dialogue régulier entre le privé et le secteur public. Pour la mise en place des plans de soutien avec la State Investment Corporation, de la Banque de Développement et de la Mauritius Investment Corporation (MIC), il y a eu au préalable beaucoup de consultations, et j’espère que cela va continuer. Il faut se serrer les coudes. Si l’on veut traverser cette étape, on n’a d’autre choix que de travailler très étroitement. De part et d’autre, il faudra aussi faire des concessions.

Depuis l’éclatement de la crise, la Banque centrale soutient massivement l’économie locale. À terme, ce sont plus de Rs 140 milliards qui seront mises à la disposition du gouvernement. Cela dit, jusqu’où le secteur bancaire pourra-il appuyer la relance ?

Le secteur bancaire a toujours soutenu l’économie mauricienne. Aujourd’hui, si vous regardez notre économie telle qu’elle est, les activités opérationnelles des différents secteurs sont rendues possibles grâce au soutien du secteur bancaire. Plus de 80 % des Mauriciens sont propriétaires de leur maison financée en grande partie à travers le crédit immobilier bancaire. S’agissant du plan de soutien de la Banque centrale, celui-ci a largement mobilisé l’argent des banques commerciales. En outre, les banques commerciales ont de leur propre chef et de leurs propres fonds soutenu leurs clients et offert des restructurations et des moratoires de façon directe, pas nécessairement sous le plan d’action de la Banque de Maurice. Au mois de juin, nous avons estimé que les banques avaient dépensé au moins Rs 10 milliards sous forme de soutien. Pour ce qui est de la reprise des activités et au retour de la croissance, les banques vont certainement jouer le jeu. La pièce maîtresse va être la Mauritius Investment Corporation (MIC).

La MIC va injecter de la ‘quasiequity’ (un instrument hybride entre la dette et les fonds propres), qui viendra donner un ballon d’oxygène aux entreprises afin de leur permettre d’accéder à du financement et de contracter des prêts récurrents pour continuer d’opérer. Cela est un développement très important, et les banques commerciales auront également un rôle à jouer dans cette relance à travers la MIC. Par ailleurs, il y a actuellement un excédent de liquidités dans le système d’environ Rs 24 milliards. À Maurice, nous n’avons pas de problème de liquidités dans le secteur bancaire. Si les banques disposent de la liquidité, en revanche, elles ont un problème en termes de capacité d’absorption d’un risque crédit additionnel. On ne peut s’exposer à un risque de crédit trop élevé en temps de crise. La solution qui a été trouvée dans la plupart des pays développés est que l’État ou une entité étatique émette des garanties à hauteur de 80 % ou de 90 %. Les banques commerciales ont joué le jeu dans l’exécution du plan de soutien de la Banque de Maurice. Et nous allons collaborer pleinement avec la MIC parce que nous faisons partie du plan. Il y a Rs 24 milliards que nous aurions aimé déployer et nous discutons actuellement des mécanismes qui permettront cela.

Le gouvernement est-il favorable à l’idée de garantir les prêts ?

Garantir les prêts coûte cher. Nous sommes encore à la phase où la MIC commence à approuver les aides, et les fonds seront bientôt décaissés. Comme je l’ai dit précédemment, parmi tous ces instruments de soutien, il y a un rôle pour les banques à jouer.

Dans son dernier bilan, la MCB, quoique enregistrant des profits de Rs 7,9 milliards, se montre extrêmement prudente en faisant des provisions pour des pertes éventuelles de crédit de Rs 3,3 milliards. Le risque d’une crise de crédit est-il réel ?

Le risque est réel. Il est là. Mais le plus important, c’est de le gérer et de le contenir. C’est cela le métier des banques. De manière générale, nous constatons que les banques mauriciennes offrent une certaine résilience et quelque part, cela rassure le public de voir que malgré une conjoncture économique difficile, certaines banques arrivent toujours à afficher des chiffres positifs. Elles ont certainement la capacité, avec les ratios prudentiels qui existent, d’absorber et quand les ratios sont atteints, de faire des provisions pour justement gérer ce risque du crédit. Aujourd’hui, avec l’infrastructure que nous avons et la santé des banques, la possibilité de gérer les risques est réalisée.

Les départements de système de contrôle interne des banques sont-ils à niveau ou encore il y a toujours des améliorations à apporter ?

Comme je l’ai mentionné précédemment, il y a des systèmes bien rodés qui font l’objet d’une supervision très rapprochée. La Banque centrale a même créé une unité spéciale qui inspecte spécifiquement tout ce qui concerne la lutte contre le blanchiment d’argent. Il est très clair qu’il y a toujours des améliorations à apporter. L’outil principal, c’est la surveillance des transactions ou Suspicious Transaction Reports (STR) en cas de déclaration d’opérations douteuses. À partir de là, c’est aux autorités de faire leurs investigations. Nous constatons que les rapports de déclaration d’opérations douteuses augmentent d’année en année. Les banques disposent de systèmes qui lancent des alertes et s’ensuit une enquête interne. Et s’il y a quelque chose qui ne cadre pas, elles vont soumettre un rapport à des fins d’investigation.

Les banques restent la prin cipale source de STR à Maurice. Environ 80 % des STR sont soumis par les banques, et nous travaillons toujours pour que la qualité de surveillance augmente. Une bonne partie du travail se fait à partir des systèmes de détection et les banques investissent des millions dans ces systèmes. Mais on peut toujours mieux faire ; il ne faut pas qu’il y ait de la complaisance là-dessus. Ces systèmes doivent tout le temps être mis à jour car la criminalité financière évolue très rapidement.

Le gouverneur de la Banque de Maurice s’attend à une contraction d’environ 13 % du PIB. Ne pensez-vous pas que le mal est plus profond ?

À la MBA, nous ne disposons pas des données de la Banque centrale. La chose à dire en termes de prévisions pour cette année et pour 2021, c’est que les dés ne sont pas encore complètement jetés. Il nous reste des cartes en main et le dénouement, l’étendue de la contraction, dépend des actions à venir. À l’heure actuelle, beaucoup de sociétés bénéficient d’un soutien de l’État. On ne sait pas encore ce qui se passera une fois que le respirateur artificiel sera enlevé. Encore une fois, tout dépendra de plusieurs choses : tout d’abord de l’intervention de la MIC car dès que nous constaterons une injection d’argent, cela apportera un ballon d’oxygène qui, à notre avis, va redynamiser les choses. En termes de soutien quant à la reprise des activités économiques, notamment le tourisme qui est un secteur très exposé, je pense qu’il nous reste encore à avoir un peu de visibilité sur la réouverture complète des frontières et des mécanismes de protection sanitaire qui vont accompagner cette réouverture. Et puis, nous n’avons pas encore de visibilité sur comment le reste du monde va se comporter par rapport à la pandémie et quelles mesures nous pouvons prendre à notre niveau pour mitiger ces impacts. Il nous faut rester agiles. Mais ce qui va arriver va beaucoup dépendre de ce que nous faisons. Il est vrai qu’il y a des choses hors de notre contrôle et la visibilité n’est pas claire.

La deuxième phase de réouverture des frontières est désormais effective. Le système financier pourra-t-il tenir le choc d’une éventuelle seconde vague de l’épidémie ?

Personne ne souhaite de seconde vague. Nous avons énormément de chance d’être à Maurice et d’être en sécurité. Je pense que les gens sont très conscients de cette chance que nous avons. Donc, si nous avons un plan de réouverture correct, si les gens prennent les précautions qu’il faut, nous ne devrions pas avoir de seconde vague. Et pour cela, le public et les entreprises devront se comporter de manière responsable.

Je pense qu’il ne sert même pas d’essayer d’anticiper une telle situation. Toute l’énergie devrait être mise dans la prévention absolue d’une seconde vague, et je crois qu’il est possible de trouver une formule équilibrée afin d’accueillir les voyageurs tout en protégeant la population.

Dans un monde où il y a de plus en plus de catastrophes naturelles, il nous faut revoir premièrement notre modèle économique, c’est-à-dire notre dépendance des chaînes d’approvisionnement internationales. De plus, dans tous les secteurs de l’économie, il faut voir comment on peut travailler de façon efficace pour parer à une autre catastrophe afin d’éviter que l’économie soit mise à genoux. C’est un défi très intéressant.

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