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Édito

Il faut importer ! Du bon !

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Philippe A. Forget

«Il est capital pour notre pays de nous ouvrir aux étrangers, de favoriser l’arrivée et l’implantation de ceux avec des moyens, et qui voudront bien s’installer chez nous pour idéalement investir et subsidiairement consommer»

Ce qui est capital pour notre pays, alors que le consensus est que nous n’avons d’autre choix que de nous ouvrir aux étrangers, c’est que nous devons absolument prendre les mesures qui s’imposent (et agir !) pour afficher le profil qui attirera du ‘bon monde’ plutôt que des filous.

Mais d’abord, rappelons-nous pourquoi il faut s’ouvrir aux étrangers.

Avant tout parce que, si nous faisons les bons choix, accueillir des expatriés équivaut à importer de la valeur ajoutée économique pour le pays à bien plus long terme que quand on les reçoit comme touristes. Je ne dis pas, par ailleurs, qu’il ne faut pas importer de la main-d’œuvre ouvrière pour pallier les insuffisances locales qui perdurent, mais ce qu’il faut surtout favoriser, c’est l’arrivée et l’implantation d’étrangers avec des moyens, qu’ils soient académiques, entrepreneuriaux ou pécuniaires ; des étrangers qui ont, par ailleurs, un parcours de bonnes mœurs et qui voudront bien s’installer chez nous, surtout en famille, pour idéalement investir et subsidiairement consommer. On accueillera des étrangers qui deviendront les Mauriciens de demain. Comme cela s’est passé aux États-Unis (où l’immigration, depuis 1965, représente 26 % de la population de 2020), en France (9,7 % du total), en Allemagne (17 % d’immigrants de première génération), à Singapour (40 % d’expatriés), au Royaume-Uni (14 % nés à l’étranger). Nous sommes, nous-mêmes, tous des immigrants ! De quoi devrions-nous avoir peur ?

«Notre manière d’être et de faire de ces dernières années suggère que nous faisons de plus en plus de compromissions sur le fondamental et que nous pourchassons les occasions d’affairisme à presque n’importe quel prix»

Ce faisant, nous aidons à résoudre un deuxième problème, d’ordre démographique celui-là. En effet, le contrôle des naissances, puis l’embourgeoisement de notre population ont systématiquement joué contre la natalité dans le pays*, au point que, sans changement majeur, la population nationale va baisser, à partir de 1,272 million en 2020, à 1,185 million en 2050 et… 827 300 en 2100. À l’intérieur de ces chiffres, déjà probablement catastrophiques pour l’économie nationale, il faudra aussi gérer le vieillissement de la population ; de plus en plus de retraités (surtout si l’âge de la retraite reste à 60 ans, sans aucun accommodement pour l’espérance de vie prolongée…) devant dépendre sur proportionnellement de moins en moins de nationaux qui travaillent. L’Aged dependency ratio du pays, c’est-à-dire le pourcentage de la population des plus de 60 ans par rapport à la population d’âge intermédiaire (15 à 60 ans, potentiellement actifs économiquement) va solidement se détériorer au cours des années qui arrivent et, par là même, vigoureusement secouer le budget national à travers la pension universelle et la CSG. Surtout si l’on reste généreux ! Accueillir des étrangers qui travaillent ou qui, au moins, consomment, va aider.

Si nous réussissons à convaincre des expatriés à ‘bonne valeur ajoutée’ de rejoindre notre population, les effets bénéfiques ne s’arrêteront pas là. D’abord, cela permettra d’éviter le recul de population et donc la contraction économique qui va avec. Mais, deuxièmement, si nous jouons les bonnes cartes, ces expatriés que nous invitons chez nous pourraient être (devraient être !) de bien meilleure valeur ajoutée que les Mauriciens équivalents que nous aurions mis sur terre, grâce à une politique de natalité redynamisée et accélérée et aurions eu à éduquer. En effet, au bout du compte, l’objectif de cet afflux d’immigrants est aussi de savoir profiter des dépenses d’éducation et de la créativité d’autres pays, plutôt que d’avoir à faire la dépense nous-mêmes ; le contraire duquel a été notre sort depuis au moins l’Indépendance ! Pensez aux lauréats, aux infirmiers exportés, à l’immigration de qualité vers le Canada, l’Australie, l’Europe, aux universitaires qui ne retournent pas…

Notre pays est beau et son climat attire, réchauffement de la planète nonobstant, pour le moment. Mais la clé cependant réside dans nos comportements, nos attitudes, notre manière d’être qui doivent absolument être en phase avec le profil des ‘bonnes personnes’ qu’il nous faut attirer et convaincre. À défaut de quoi, nous allons attirer the wrong people, comme les Sobrinho et les Agliotti de ce monde. Qui ont, certes, des fonds à dépenser (à partager… ?), mais qui sont effectivement aussi capables d’accélérer notre spirale vers l’enfer et de durablement éviscérer ce pays des valeurs qui lui restent. Nous sommes à un tournant. Il faut savoir choisir.

À vrai dire, notre manière d’être et de faire de ces dernières années suggère malheureusement que nous faisons de plus en plus de compromissions sur le fondamental et que nous pourchassons les occasions d’affairisme à presque n’importe quel prix. Qu’allons-nous, de cette façon, livrer en héritage à nos enfants ? Des valeurs et des principes, vous croyez ?

Pour cela, faut-il encore avoir des modèles et des exemples appropriés. Où sont-ils ?

En Angleterre, en mai de cette année, l’ancien Chairperson du parti conservateur sous David Cameron, Lord Andrew Feldman, était mis à l’index par le Financial Times, pour conflit d’intérêts, des e-mails accablants ayant fuité. Employé comme ‘conseiller’ au ministère de la Santé, il est accusé d’avoir œuvré et manœuvré pour favoriser un des clients actuels de sa firme de lobbying, en l’occurrence Bunzl, pour un contrat de PPE de 22,6 millions de livres sterling. Alors que Bunzl avait été déjà delisted comme fournisseur au ministère et qu’il n’y eut aucun appel d’offres compétitif ! La Haute Cour vient de permettre à la Good Law Project, une ONG, de le poursuivre sous 3 des 4 têtes de chapitre évoqués lors d’une demande de Judicial review, dont : «breach of the duties of transparency and equal treatment, apparent bias and breach of the defendant’s own policies in respect of conflicts of interest». Voilà bien un pays où les institutions sont encore libres et indépendantes. C’est de moins en moins notre cas où le pouvoir central veut tout contrôler…

Cette ONG lève des fonds pour poursuivre ceux qui oublient que «Public office is for public service, not private gain» ! Pour le cas Feldman, ils avaient déjà mobilisé 55 000 livres sterling au moment de ma contribution. Comparez à ce qui se passe avec nos propres contrats d’urgence PPE et décidez quel est le pays qui, proportionnellement, a le plus de chance d’importer de ‘bons immigrants’…

Mais d’ailleurs, posons la question, en espérant une réponse : est-ce bien ce que nous souhaitons, là où les décisions cruciales se prennent ?

Philippe A. FORGET

*Le taux de naissance qui était à 2,82/100 en 1971 en est réduit à 1,01/100 en 2020

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