LOADING

Type to search

Édito

Choisir. Choisir bien !

Share
Philippe A. Forget

«Il faut faire des choix ! Ils ne sont souvent pas évidents. Mais il FAUT choisir, car la peur de prendre la mauvaise décision menée à l’indécision, c’est ce qui est souvent pire»

 

Choisir !

C’est ce que l’on fait tous les jours, parfois presque machinalement, pour les décisions les plus disparates, parfois les plus simples. Du thé ou du café ? Du riz ou des pâtes ? The Crown ou Canal+ ? Savates ou souliers/chaussettes ?

Les décisions se complexifient généralement quand elles ne sont plus personnelles. Une décision qui concerne la famille est déjà plus compliquée. Celles qui concernent des associations ou des compagnies le sont encore plus. Au niveau d’un pays, c’est sensiblement plus embrouillé, souvent délicat. Bien évidemment, la taille de l’entreprise ou du pays est un facteur déterminant. Facebook doit être bien plus difficile à gérer que La Sentinelle. Diriger l’Inde doit demander bien plus de réflexion et de doigté que de diriger l’île Maurice. D’autant plus que cette dernière peut régulièrement demander (quémander ?) de l’aide à plus forte qu’elle, en cas de besoin…

Mais nous touchons, ici, au vif du sujet : Il faut faire des choix ! Ils ne sont souvent pas évidents. Mais il FAUT choisir, car la peur de prendre la mauvaise décision menée à l’indécision, c’est ce qui est souvent pire. Il est bien évidemment nécessaire de prendre ses décisions en fonction de saines motivations !

Prenons la situation de la Covid à Maurice.

On a pris la décision, dans la première moitié de 2020, d’acheter des PPE, des désinfectants, quelques médicaments et 50 respirateurs de Pack & Blister. On a fait des choix. Rapidement, puisqu’il y avait urgence ! Mais on ne peut pas dire que ces décisions aient été particulièrement bien motivées à voir le prix payé pour certaines commandes, le profil très, TRÈS spécial des importateurs agréés par la STC, les ministères et le High Powered Committee et, pour tout couronner, les arrestations faites par l’ICAC, ce qui a, au moins pour un temps, donné le change ! Pour Pack & Blister, un choix a été fait, mais l’on n’a jamais expliqué en détail ce choix, et l’opacité demeure… Les respirateurs ont été depuis renvoyés. On devait nous rembourser aussitôt que Pack & Blister aurait trouvé à les revendre, dit-on ! Quelle gabegie ! On a parlé de poursuites légales. N’est-il pas temps de faire le point en toute transparence, punir ceux qui le méritent, apprendre de nos bêtises ? Le PM s’attend-il toujours, comme lors de la session du Parlement du 21 juillet 2020, à ce que nous soyons «reconnaissants envers Pack & Blister» ? [1] C’est fait ?

La décision d’achat du Tocilizumab par le ministère de la Santé a pris QUATRE mois pour se concrétiser. Probablement parce que les décisionnaires sont aujourd’hui, du moins en partie, tétanisés face aux choix à faire et aux décisions à prendre, après la débandade de 2020, Pack n Blister compris. Entre-temps il y a eu des morts ! On recevra ce médicament on ne sait quand, d’ailleurs. Dans un pays qui pratique la transparence, on aurait expliqué et référencé pourquoi on a choisi le Tocilizumab après tant de délibérations, au lieu du Regeneron, par exemple, tous deux étant des mAbs (anticorps monoclonaux). D’autant plus que toute personne curieuse irait sur le net et pourrait lire le New England Journal of Medecine (NEJM) du 22 avril 2021 (Ivan Rosas et al) et être passablement effrayé par les conclusions… [2]. On n’a pas encore appris nos leçons : les choix doivent se faire de manière cartésienne, rapidement quand il y a urgence, mais être toujours transparents ! Pourquoi l’OMS recommande le Tocilizumab le 5 juillet 2021, seulement 11 semaines après le rapport du NEJM ? Pourquoi avoir tergiversé 4 mois ? Pour les nouveaux remèdes désormais disponibles, on attendra quoi exactement ?

«On n’a pas encore appris nos leçons : les choix doivent se faire de manière cartésienne, rapidement quand il y a urgence, mais être toujours transparents !»

Comment justifier l’opacité des décisions ? J’entends l’argument d’ici : plus on explique, plus on donne des détails, plus on donne un bâton pour nous battre, dira-t-on ! Vraiment ? Je ne dis pas que la transparence peut garantir l’absence de controverse, mais ce qui est certain, c’est que l’opacité ou l’information tronquée garantit, quant à elles, le questionnement, favorise les spéculations, encourage même des théories conspirationnistes… C’est bon pour la nation, ça ?

Prenez le nombre de cas et le nombre de morts de Covid. On a décidé de faire moins de tests PCR. Résultat ? On affiche moins de cas ET donc (en attendant la montée en flèche, plus récente, du nombre de morts) la population se relâche et prend moins de précautions, alors même que le variant Delta se pointe de plus en plus. Le nombre de morts qui augmente de manière dramatique fait par contre les gros titres et ramène, maintenant, la population à plus de prudence et de discipline. Combien sont-ils, ces morts ? 199 (chiffre officiel) ?, 354 (tous ceux testés positifs à la Covid au moment de la mort) ? ou trois fois plus que le chiffre officiel (597 ?), comme le suggère un peu légèrement le leader de l’opposition, ayant choisi de ne pas nous expliquer sa ‘thèse’ à lui, non plus ? N’est-il pas de toute manière nécessaire de relativiser ces chiffres, même si la dégradation est claire et qu’elle pourrait progresser vers pire ?

Ainsi, même si nous retenons 597 morts, comme le leader de l’opposition le suggère, cela équivaut à 459 morts par million de population. Or, WorldoMeter – que nous tenons pour crédible jusqu’à preuve du contraire – nous situe alors très loin des 80 pays, mené par le Pérou (5 967), qui ont enregistré plus de 1 000 morts par million de population ! Mieux, admettant pour un peu 459 morts par million de population, nous serions mieux lotis que le Brésil (2 840), les États-Unis (2 324), la Polynésie française (2 247), le Royaume-Uni (2 074), la Guadeloupe/Martinique (1 850), la France (1 801), l’Afrique du Sud (1 481), les Seychelles (1 200), les Fidji (745), et pas bien pire que les Maldives (443) ou La Réunion (416)… La moyenne mondiale est de 650 morts par million de population. Notre situation n’est pas rien, même s’il est clair que nous avons intérêt à faire mieux pour protéger plus de vies.

Autre situation, même douleur décisionnelle. Choisir de lancer l’Offshore Petroleum Bill à quelques jours de la COP26, où nous allions rechercher 4,2 milliards de dollars d’aide extérieure (soit 180 milliards de roupies du jour !) n’est vraiment pas futé du tout. Même si notre document de Nationally Determined Contribution présenté à Glasgow n’était pas ‘impacté’ par la recherche ou les découvertes pétrolières (?), le(s) décisionnaires de circonstance se sont complètement plantés, timing-wise. Et, au fait, pourquoi est-ce que nous ne permettrions pas de faire des recherches pétrolières, sans frais pour nous, alors que les ‘grands’ pays et leurs compagnies pétrolières ne s’arrêteront pas de sitôt ? De toute manière, ce ne sont pas tant les découvertes qui compteront, mais les coûts réels auxquels les barils pourront être récupérés. Un scénario plus que probable d’ailleurs est que si le ‘net zéro’ est atteint en 2050, la consommation des énergies fossiles pourrait alors avoir tellement chuté que le baril pourrait valoir bien moins que les 84 dollars actuels…

Nous serions alors les heureux propriétaires de pétrole ou de gaz irrécupérables économiquement parce que nous aurions fait un choix de voter une loi… 50 ans plus tard que les ‘malins’ nous ayant pollué entre-temps ?

Choisir, c’est bien… Bien choisir, c’est quand même mieux !

 

Philippe A. FORGET

[1] https://www.lexpress.mu/article/399711/respirateurs-artificiels-scandale-pack-blister-plaie-toujours-beante

[2] https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2028700

Tags:

You Might also Like