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Édito

Ce que dit le FMI en juin 2021, ça compte !

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Philippe A. Forget

«Le défi pour Maurice est de retrouver de la croissance suffisante, malgré un secteur touristique faible, au moins jusqu’en 2022»

CROISSANCE

Le tourisme, qui représente plus de 20 % de l’économie, directement et indirectement, va reprendre lentement au 2e semestre de 2021, atteignant 15 % du niveau de 2019. En 2022, le FMI s’attend à ce que Maurice atteigne 60 % du niveau de 2019. La croissance du PIB est estimée à 5 % en 2021 et l’inflation, YOY, à décembre 2021, est projetée à 3,5 %, à l’hypothèse que la demande ne va croître que faiblement.  Dans un scénario optimiste, la demande touristique insatisfaite des 18 derniers mois se concrétisera avec vigueur et le PIB approcherait alors les niveaux de 2019 dès 2022. Cependant, il est plus probable que cet objectif de 2019 ne se concrétise que bien plus tard. «The severity of the (Covid) crisis could have lasting effects and the weakened fiscal position could lead to financial market anxieties, as could the AML/CFT listings, the Moody’s downgrade, or a sharp rise in global risk premia», constate le FMI. Le défi pour Maurice est de retrouver de la croissance suffisante, malgré un secteur touristique faible, au moins jusqu’en 2022.

POLITIQUE FISCALE PENDANT LA PANDEMIE

Le FMI approuve la politique fiscale accommodante pour soutenir les firmes et la population durant la pandémie, mais conseille de chercher désormais les moyens d’atténuer les contraintes générées par la pandémie elle-même, par exemple sur le coût du fret, plutôt que de soutenir les firmes directement. Tout soutien gouvernemental devrait se concentrer sur les firmes viables et innovantes. Le Wage Assistance au tourisme doit être discontinué graduellement et il est important de soutenir les initiatives qui forment la main-d’œuvre pour travailler dans des secteurs de forte croissance. Les travaux publics temporaires, par exemple la National Clean Up Campaign, pourraient aider à soutenir l’emploi. L’espace fiscal pour ces initiatives doit se créer en annulant ou en renvoyant les investissements moins prioritaires, et du PPP est à envisager après une évaluation solide des implications fiscales et selon les meilleurs principes de la bonne gouvernance.

Le Staff Report du FMI jette aussi un regard actualisé sur le déficit budgétaire et la dette nationale après la présentation du Budget 2021-22. Son estimation du déficit budgétaire est établie à 19,2 % du PIB pour 2020-21 et… 10,6 % pour 2021-22, ce qui dans ce dernier cas, est le double du déficit affiché au budget de 5,2 %. La dette publique est annoncée à 100 % du PIB à juin 2022.

ET APRÈS LA PANDÉMIE ?

Le diagnostic EST sans nuance : «The fiscal stance should be tightened in the medium term to ensure debt sustainability, given the substantial increase in debt». Si, aux taux d’intérêt actuels, la dette paraît encore soutenable, les vulnérabilités futures sont claires. Elles comprennent des chocs possibles aux GBC, aux exportations, au tourisme, une gestion hasardeuse des investissements publics, ainsi que le poids réel du vieillissement de la population, associé à une politique de pensions généreuse. «Pensions will be at the forefront of medium term fiscal issues», constate le FMI, faisant écho aux soucis déjà largement exprimés localement. Après son augmentation par encore 50 % en 2023-24, le FMI estime les dépenses pour la pension universelle à 8,5 % du PIB pour cette année-là, alors que les revenus seront à 1 %. Le ‘trouestimé est donc d’environ Rs 37,5 milliards pour les pensions, à l’estimation d’un PIB retrouvé de Rs 500 milliards… (le calcul est de l’auteur)

En fait, les projections faites assument que l’augmentation des pensions prévue pour 2023-24 devra être couverte tant par une réduction des dépenses que des revenus améliorés pour stabiliser la dette à un peu plus de 100 % du PIB en 2024-25, quand elle s’attend à ce que le PIB réel retrouve alors le niveau de 2019.

Le FMI souligne que les autorités locales sont d’accord sur la nécessité d’une consolidation fiscale à moyen terme et celles-ci ont indiqué que la réforme du système de pension est en voie avec l’introduction de la CSG. On nous expliquera tout ça bientôt en détail, assurément ?

«Le Wage Assistance au tourisme doit être discontinué graduellement et il est important de soutenir les initiatives qui forment la main-d’œuvre pour travailler dans des secteurs de forte croissance»

POLITIQUE MONÉTAIRE

Le FMI approuve la politique monétaire accommodante actuelle, avec des taux d’intérêt bas, mais prévient que cette politique devra être ‘normalisée’ face à des menaces inflationnistes. Pour commencer, il est recommandé de commencer à stériliser les excédents de liquidités dans le système financier.

Par ailleurs, les transferts au gouvernement (Rs 78 milliards) ou à la MIC (éventuellement Rs 80 milliards ?) ont substantiellement détérioré le bilan de la Banque centrale au point que le FMI pense nécessaire de la recapitaliser. Ayant déjà fortement suggéré de modifier la Bank of Mauritius Act afin d’interdire tout transfert futur au Trésor public ainsi que tout financement direct du secteur non bancaire, le FMI offre son aide technique pour cette recapitalisation. Ce qui est sans doute bienvenu, puisque le plus gros des bénéficiaires des largesses agréées par la Banque centrale est… son seul actionnaire ! Si, en plus, comme suggéré par le FMI, la MIC doit être financée à travers le budgetary process, cet actionnaire lui-même sera, malheureusement, plutôt gêné aux entournures pour la recapitalisation !

De manière logique, le FMI suggère que le gouvernement finance ses besoins grandissants (y compris pour la MIC) en émettant des titres de dette sur le marché local, vu la liquidité que l’on y retrouve. Par ailleurs, il trouve préférable de financer les compagnies viables à travers les banques, l’État y ajoutant sa garantie ciblée, ce qui aidera aussi à éponger l’excédent de liquidité.

D’autre part, le FMI considère que les interventions systématiques de la BoM, pour plus d’un milliard de dollars en 2020, à un taux stable de Rs 40.00 enlève toute flexibilité au taux de change, qui est, pourtant, un mécanisme important d’ajustement macroéconomique. La BoM, de son côté, rappelle qu’elle est en instance de revoir son Monetary Policy Framework, comme annoncé depuis septembre 2020. Le dollar est depuis devenu plus cher à Rs 43,15 (TT-SBM), et 43,10 (TT-MCB), ce lundi 5 juillet.

COMPÉTITIVITÉ EXTERNE ET RESTRUCTURATION ÉCONOMIQUE

Le FMI considère notre position externe à fin 2020 comme matériellement plus faible que souhaitable, par rapport aux données fondamentales de l’économie à moyen terme. La balance des comptes courants affiche un déficit de 12,6 % en 2020 et va se détériorer à 15,6 % du PIB en 2021. La roupie paraît être surévaluée par 30 à 40 %. Le FMI pense plus plausible d’améliorer la compétitivité du pays plutôt que la compétitivité de la roupie… Il serait grand temps, en effet, de s’occuper sérieusement de la productivité nationale !

Nos réserves internationales, représentant pourtant 13 mois d’importations pour le pays, sont, selon les critères établis par le FMI pour juger si ces réserves sont adéquates, situées près de la limite inférieure de leur parenthèse acceptable ; car cette mesure tient alors compte des dangers de notre dépendance sur l’apport des GBC à notre balance des paiements, par exemple. Depuis le temps qu’on le dit !

Le FMI préconise des réformes structurelles profondes à travers une approche systématique en faveur de plus de valeur ajoutée (donc moins d’activités ‘faire semblant’ ou inutiles ou même gaspilleuses) afin d’améliorer la productivité nationale, auxquelles il faudra rajouter de sérieuses louches d’innovation à travers la technologie et une éducation de qualité supérieure. Pour le tourisme, le FMI suggère aussi plus de valeur ajoutée, par exemple comme plus orienté vers les voyages de santé, avec effets d’entraînement au niveau clinique et/ou de la convalescence, peut-on présumer. Il est aussi postulé que l’écotourisme de qualité et à faible densité pourrait intéresser les touristes riches et déjà vaccinés à nous rendre visite.

Tout compte fait et ceteris paribus, le gouvernement, invité à commenter comme lors de tout rapport sous l’Article IV, anticipe des réductions sur nos déficits externes avec le retour des touristes et une utilisation accélérée de nos nouveaux accords commerciaux avec la Chine et l’Inde ; dans lequel cas nos réserves externes seront largement adéquates.

Cependant, le FMI souligne que les «downside risks» grossissent et qu’ils sont vraiment sérieux !

 

Philippe A. Forget

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