Aquaponie – Un pas de plus vers l’autosuffisance alimentaire
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Le terme «aquaponie» est une hybridation de l’aquaculture et de l’hydroponie. Cette méthode repose sur des déchets de poissons utilisés en tant que solution nutritive organique pour cultiver des légumes. Dans un tel système, l’eau s’écoule du réservoir de poissons vers un filtre biologique où des bactéries décomposent les déchets de poissons en une solution nutritive organique pour la culture de légumes. Les plantes absorbent alors les éléments nutritifs de l’eau qui est ainsi nettoyée avant d’être remise en circulation pour un retour dans les bassins à poissons.
Ce système de production alimentaire par recirculation utilise moins de 10 % de l’eau normalement nécessaire pour la pisciculture et la production végétale. Ainsi, elle convient tant pour une consommation à petite échelle ou domestique que pour une production commerciale d’aliments frais, notamment dans les régions où il y a des coupures d’eau fréquentes. Il y a très peu de perte en eau, les pertes étant principalement causées par l’évaporation et la transpiration des plantes. Il n’y a aucun besoin de produits chimiques pour les plantes, ces ceux-ci entraîneraient la mort des poissons. Cependant, certaines mesures de protection organique des plantes pourraient s’avérer utiles, surtout dans le cas d’une monoculture.
«L’aquaponie est en plein essor à Maurice. Les entreprises ou investisseurs comprennent que ce système offre d’énormes avantages par rapport aux autres cultures en terre, qu’elles soient bio ou pas, ou même par rapport à l’hydroponie. Évidemment, nous sommes en retard sur le reste du monde, mais l’intérêt bouillonne, et les demandes de projets se multiplient de plus en plus. Il faut savoir que la crise de la Covid-19 a mis en évidence l’importance de la sécurité alimentaire. L’aquaponie est donc un système qui permet aux Mauriciens de s’adonner à leur propre culture de légumes. Il s’adapte aussi bien aux pratiques culturales à grande échelle qu’au niveau individuel», explique Cédric Fayolle, le directeur de Fish & Plants Ltd Mauritius Aquaponics.
Ce système étant une symbiose entre poissons, plantes et toute une multitude de micro-organismes incluant des bactéries bénéfiques, il en résulte un écosystème hautement fertile où les produits peuvent pousser jusqu’à deux à quatre fois plus vite et deux à trois fois plus gros qu’en terre. Actuellement à Maurice, on compte une ferme commerciale à Rivière Noire et une autre à Pointe aux Sables. Fish & Plants Ltd Mauritius Aquaponics, de son côté, est sollicitée pour installer ce système chez un bon nombre de pratiquants résidentiels. À savoir que la société fournit divers services et solutions dans ce domaine aussi bien à Maurice que dans la région. Elle propose ainsi des solutions pour le système domestique, incluant la construction et les installations, et autant pour un système agricole commercial en sus de cours sur la pratique de l’aquaponie.
La formation essentielle
Wasiim Kader-Bathia, le directeur d’Aquaflora Aquaponics Mauritius, abonde dans le même sens que Cédric Fayolle. Il précise que c’est un système facile à installer à l’échelle domestique. «À Maurice, l’aquaponie est encore principalement limitée au ‘backyard culture’ pour produire des légumes destinés à la consommation domestique. L’aquaponie est une technologie complexe impliquant la gestion de la production de légumes, la production de poisson et la gestion de serres. Je recommande un haut niveau de formation pour pouvoir mener une telle production avec succès. Toutefois, je ne pense pas que ce système est une réponse à l’augmentation de la production de légumes à Maurice. La culture hydroponique, qui est une technologie beaucoup plus simple, serait plus appropriée pour s’attaquer à ce problème», souligne Wasiim Kader-Bathia.
Il est effectivement essentiel de comprendre les formulations de ce système ; autrement dit, une bonne formation. Pour qu’un système soit fertile et en équilibre, il faut correctement formuler les débits d’eau, la capacité de pompe, l’aération, le nombre de poissons, le volume du bassin, les paramètres de l’eau, soit le ph, l’O2, les nitrates, etc. En effet, l’aquaponie est bien souvent décrite comme une méthode simple qui demande seulement de nourrir quelques poissons, qui vont ensuite enrichir l’eau et faire pousser tous les légumes. Or, comme le fait ressortir Cédric Fayolle, l’aquaponie demande un peu plus que cela, sans toutefois nécessiter le dur labeur de piocher la terre. Il requiert de la réflexion et un suivi quelque peu discipliné pour de beaux rendements.
Pour Cédric Fayolle, de telles installations pourraient potentiellement adresser les défis auxquels fait face la production alimentaire locale. «Je précise ici que l’aquaponie, à ce jour, est le système le plus efficient et écologique au monde. Je dirai même que c’est une solution concrète pour que nous puissions augmenter la production locale et diminuer l’importation de légumes. Le prix de production est moindre, l’apport deux fois plus vite, la qualité supérieure et techniquement parlant, bio», soutient-il.
Selon les spécialistes de ce système, les avantages sont multiples : une économie de 95 % d’eau, des produits qui poussent vite et en plus gros volume, 90 % moins de maladies pour les plantes, absence de produits chimiques. Étant donné que le système est automatisé à 90 %, il requiert peu de main-d’œuvre dans le processus. De plus, cela peut être pratiqué en vertical et ainsi multiplier l’apport par neuf fois par mètre carré, soit jusqu’à 160 têtes de laitue par mètre carré. Un autre avantage, c’est l’apport de nutriment en perpétuité par les déchets de poissons et cette méthode permet également de faire du multi-crop dans un seul système.