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La Banque Mondiale recommande une nouvelle génération de réformes

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Les chocs ayant secoué maurice en 2020 sont survenus à un moment où de graves fissures structurelles commençaient à apparaître dans les fondements du modèle de croissance du pays, révèle le dernier Country Economic Memorandum de la Banque Mondiale.

LA CRISE de Covid-19 nous rappelle que le pays devra relever des défis d’ordre structurel. Dans son dernier Country Economic Memorandum pour Maurice qui est rendu public ce mercredi, la Banque mondiale ne manque pas de souligner que Maurice était déjà sur une trajectoire de développement de plus en plus fragile, et ce, avant la survenance de la pandémie. Intitulé Mauritius: Through the eye of a perfect storm – coming back stronger from the Covid crisis, le rapport souligne que plusieurs défis interdépendants sont apparus au cours de la dernière décennie. Tout d’abord, notre trajectoire de croissance est de plus en plus tirée par la consommation, avec une part des investissements en baisse et une stagnation de la productivité du capital. Est venue s’ajouter à cela une perte soutenue de la compétitivité globale des exportations, qui se traduit à la fois par une diminution de la part de marché des exportations traditionnelles de biens et de services et par l’incapacité à développer ou intensifier rapidement de nouvelles activités en fonction de l’avantage comparatif évolutif du pays. Maurice a également dû faire face à une population vieillissante et des frictions croissantes sur le marché du travail, se traduisant par des taux élevés de chômage et d’inactivité structurels, des pénuries croissantes de compétences et des inégalités de revenus du travail, et l’exclusion en particulier des femmes et des jeunes peu instruits. Les déficits budgétaires continus combinés à des effets de croissance limités des dépenses publiques ont, de leur côté, entraîné une augmentation des niveaux de dette publique par rapport au PIB.

      

 

Adresser les défis de longue date

Alors que les événements de 2020 nécessitent des réponses spécifiques à court terme, le rapport insiste que le fait que les défis sous-jacents ne peuvent être différés si Maurice souhaite une forte reprise. «La meilleure stratégie pour une reprise solide consiste à combiner un soutien temporaire aux entreprises et aux ménages touchés par la crise avec un programme de réforme complet pour relever les défis structurels préexistants. Il est peu probable qu’une stratégie consistant simplement à remédier aux effets à court terme en soutenant les entreprises en difficulté tout en attendant que les conditions mondiales s’améliorent suffise à remettre le développement économique et social de Maurice sur les rails. D’un autre côté, la crise offre aux décideurs politiques la possibilité de faire face à des défis de longue date», soutiennent les auteurs du rapport. Par ailleurs, le fait que Maurice soit maintenant un pays à revenu élevé, il est nécessaire de mettre en place une nouvelle génération de réformes. Le Country Economic Memorandum de la Banque mondiale précise que Maurice a bénéficié d’une gestion économique solide et d’une continuité démocratique avec des transitions pacifiques du pouvoir pratiquement ininterrompues depuis 1968. Le pays doit donc concentrer ses efforts pour affiner ses institutions et améliorer les politiques microéconomiques et la coordination des politiques afin de bénéficier de nouvelles synergies. Le programme de réformes comprend nécessairement celles de «deuxième et de troisième générations» qui ont tendance à être plus complexes que les réformes de première génération et qui nécessitent à la fois des changements de politiques et une attention à la mise en œuvre coordonnée. «La crise actuelle doit servir de coup de semonce pour relever les défis de longue date qui mèneront à la croissance inclusive. Concernant les défis à relever, il s’agira de libérer des investissements privés productifs, de restaurer la compétitivité, de maintenir l’inclusivité et de faire plus avec moins, ce qui aidera le pays à accélérer sa reprise. Le développement est autant une question de moyens que de fins.

Ce n’est qu’en mettant en place des mécanismes qui garantissent un dialogue continu avec les parties prenantes, un suivi et une évaluation des progrès et une ouverture à changer de cap là où c’est nécessaire que le pays réussira», préconise le rapport.

Une trop grande concentration
des IDE dans les activités immobilières

 

REVOIR LA POLITIQUE INDUSTRIELLE

Une priorité pour Maurice est de libérer des investissements privés plus productifs en tant que moteur de la croissance future. L’investissement est passé de 25 % à 21 % du PIB au cours de la dernière décennie, et l’investissement privé a chuté d’un cinquième à 15 % du PIB. Au cours de la dernière décennie, les investissements ont été principalement dirigés vers des secteurs à productivité et sophistication technologique relativement faibles, notamment l’immobilier. Ce secteur a représenté à lui seul un tiers des investissements au cours de la période 2009-2019, cela même s’il n’a contribué que pour 10 % à la croissance totale de la valeur ajoutée. D’autres secteurs traditionnels tels que le tourisme (9 %), les transports (8 %) et l’industrie (6 %) représentaient également une part importante de l’investissement, leur contribution à la croissance étant à peu près proportionnelle. Dans le même temps, des investissements relativement limités dans des secteurs technologiquement avancés tels que la finance (3 %), les Tic (3 %), les services administratifs (1 %) et les services professionnels (0 %) ont généré des contributions disproportionnées à la croissance de ces secteurs. Les investissements dans ces secteurs, en moyenne, ont généré des dividendes de croissance plus élevés.

Entre 2010 et 2019, les exportations des services
ont diminué à l’exception du tourisme

RESTAURER LA COMPÉTITIVITÉ

Maurice est confronté à un double défi pour gérer la pandémie et inverser une baisse de compétitivité à long terme. La compétitivité des exportations doit être considérée comme un défi global. Étant donné que le déclin de la compétitivité est étroitement lié à l’avantage comparatif évolutif de Maurice – dépassant les activités à forte intensité de main-d’œuvre peu qualifiée –, l’investissement productif dans la découverte ou l’extension de nouvelles activités plus complexes est donc un élément clé. Le rapport identifie l’investissement direct étranger (IDE) comme étant une force puissante pour améliorer les expor[1]tations. D’une part, les grandes entreprises étrangères sont généralement au centre des chaînes de valeur mondiales qui relient désormais les marchés internationaux, de sorte que les IDE entrants peuvent apporter non seulement la technologie des produits et des procédés et l’innovation en matière de gestion, mais aussi permettre l’accès aux marchés d’exportation. D’un autre côté, les IDE sortants des entreprises mauriciennes peuvent jouer un rôle clé pour permettre les exportations de services et créer une demande d’intrants sur ces marchés. Ainsi, un dynamisme renouvelé dans le secteur des exportations nécessitera des mesures supplémentaires pour inverser la tendance à long terme du déclin de la compétitivité. L’élaboration d’une stratégie holistique et le renforcement du cadre institutionnel pour soutenir l’investissement direct étranger sont donc une priorité. Le rapport souligne que les IDE entrants peuvent jouer un rôle déterminant dans le développement de nouvelles exportations de marchandises et de services compétitives tout en permettant d’accéder à de nouvelles chaînes de valeur.

Tandis que les IDE sortants peuvent permettre aux entreprises mauriciennes de développer des réseaux de production plus compétitifs grâce à une délocalisation stratégique et d’accéder à de nouveaux marchés qui nécessitent une présence sur le terrain, surtout dans les services.

MAINTENIR L’INCLUSIVITÉ

Par ailleurs, le Country Economic Memorandum s’appesantit sur la nécessité de s’appuyer sur un modèle de développement plus inclusif. Cela exigera des ajustements pour faire face aux causes profondes de l’inégalité et du choc de la Covid-19. Dans un environnement de besoins sociaux croissants et de resserrement de l’espace budgétaire, le rôle crucial du système de protection sociale ne peut être maintenu que si l’efficacité des dépenses est accrue grâce à un meilleur ciblage des personnes dans le besoin, souligne le rapport. Et la Basic Retirement Pension (BRP) constitue de loin la plus grosse fuite. À moyen terme, le processus de croissance lui-même a tendance à conduire à des inégalités de revenus. Ce qui fait que l’amélioration de la protection sociale doit s’accompagner d’efforts renouvelés pour intégrer davantage de Mauriciens au bas de la pyramide des revenus sur le marché du travail. Cela comprend des mesures ciblées pour remédier aux désavantages spécifiques auxquels sont confrontés les femmes et les jeunes. Des réformes supplémentaires du système éducatif, axées sur les premières années de la scolarité et l’offre d’une seconde chance à ceux qui décrochent du système scolaire sont essentielles pour un marché du travail plus inclusif.

FAIRE PLUS AVEC MOINS

Pour mettre en place les réformes structurelles dont le pays a besoin, il faudra miser sur l’efficacité de la politique publique. C’est le dernier axe du rapport. Selon la Banque mondiale, l’équation est simple : Maurice devra accomplir plus avec moins de ressources. Quatre éléments de réforme sont cruciaux : créer un processus de planification flexible et favorable au marché, renforcer la gestion des finances publiques à travers le processus budgétaire, développer le suivi et l’évaluation des résultats liés à la fois aux processus budgétaires et de planification, et renforcer l’engagement avec le secteur privé.

 

Développer les compétences de concert avec le privé

La National Skills Development Strategy 2020-2024 est suffisamment ambitieuse, mais des efforts supplémentaires devront être consentis pour garantir la participation continue du secteur privé. Selon le Country Economic Memorandum, les représentants du secteur privé ont indiqué que leurs opinions n’avaient pas été prises en compte, au-delà des processus de consultation. En outre, la capacité du gouvernement à prévoir les compétences nécessaires pour un marché du travail dynamique, sur la base des normes professionnelles/ occupationnelles et des compétences, est limitée. Les résultats pour des secteurs économiques spécifiques sont donc insuffisants pour formuler des recommandations judicieuses pour le système éducatif, en particulier dans le segment Technical and Vocational Education and Training (TVET). Ce qui fait que l’absence de leadership et de coordination efficaces entre toutes les parties prenantes concernées affaiblit les liens nécessaires pour équilibrer le marché du travail.

 

Même si Maurice a parcouru un long chemin dans beaucoup d’aspects dont la création d’un environnement commercial globalement favorable, il convient de revoir la politique industrielle. Le rapport souligne que les mesures de politique industrielle, y compris les subventions, les incitations fiscales et les investissements directs de l’État dans l’économie au cours de la dernière décennie semblent avoir été incapables d’atteindre l’objectif de promotion de l’investissement privé transformationnel. Non seulement l’investissement privé a diminué en pourcentage du PIB, mais plutôt que de soutenir la transformation, bon nombre des mesures de soutien de l’État existantes favorisent les activités traditionnelles et le business as usual. «Maurice a toujours été bien servi par son modèle de politique industrielle, mais les baisses séculaires du niveau et de la qualité des investissements privés suggèrent qu’une nouvelle réflexion est nécessaire. En raison des niveaux sans précédent d’implication de l’État dans l’économie rendus nécessaires par le choc économique de la Covid-19, Maurice est maintenant à la croisée des chemins alors qu’il se dirige vers la reprise. La question est de savoir si le pays va renforcer son ancien modèle dirigé par l’État qui identifie et subventionne les secteurs d’expansion et oriente activement l’investissement privé, ou s’il convient de passer de manière proactive à un rôle intersectoriel plus indirect grâce à une étroite coopération public-privé», fait ressortir le rapport. Ainsi, une politique industrielle plus moderne nécessiterait de réorganiser le soutien de l’État des secteurs traditionnels et des instruments trop directifs vers un soutien à l’innovation.

Promouvoir le dialogue public-privé

Le dialogue public-privé doit être au centre de la planification et de la mise en œuvre des réformes politiques. Dans le cadre d’une approche de politique industrielle moderne, Maurice ne pourrait pas simplement s’appuyer sur son histoire réussie de collaboration public-privé, mais l’élever à un niveau de co-création où les principales initiatives de réforme sont élaborées à travers un processus de co-création entre le secteur public, le secteur privé et la société civile.

La MIC et ses limites

Certains mécanismes de soutien de l’État existants ne sont manifestement pas conformes à un paradigme de politique industrielle moderne et devraient être réformés. Le rapport cite l’exemple de la Mauritius Investment Corporation (MIC) qui a été conçue comme un moyen de répondre à l’urgence de la Covid-19, mais celle-ci n’est pas un outil approprié pour une politique industrielle moderne et tournée vers l’avenir. Le rapport recommande de limiter le mandat de la MIC à son objectif principal de fournir un soutien aux entreprises d’importance systémique touchées par la Covid-19. Selon le rapport, la MIC soutient les investissements de tous types et, par conséquent, n’est pas bien ciblée sur les activités émergentes ou la mise à niveau technologique qui pourraient être entravées par des défaillances du marché.

Investissement étranger : une stratégie ciblée

Concernant l’investissement direct étranger (IDE), il est impératif que Maurice développe une stratégie claire et ciblée, recommande le rapport de la Banque mondiale. Une telle stratégie serait élaborée en étroite coopération avec le secteur privé et se concentrerait sur l’attrait concurrentiel de types spécifiques d’IDE qui appuieraient les principaux objectifs de développement du pays, notamment la modernisation des exportations et l’accès à de nouveaux marchés grâce à l’intégration aux chaînes de valeur mondiales. La stratégie d’IDE devrait ainsi s’aligner sur les accords commerciaux et les priorités de la politique commerciale du pays et tirer parti de ces accords et définir clairement les principes clés régissant la politique d’investissement du pays (comme la non-discrimination, la protection des droits de propriété). Pour accroître l’efficacité des efforts de promotion des investissements, les institutions de promotion des investissements du pays ainsi que la prestation de services aux investisseurs devraient être améliorées et soigneusement ordonnées.

Balance des paiements : avoir des données plus cohérentes

Il est nécessaire qu’on dispose de données plus cohérentes et détaillées sur la balance des paiements ainsi que d’informations bancaires plus granulaires sur les sources et les utilisations des flux d’investissements sur le global business. La mise en œuvre d’une norme d’exigence d’information complète, spécifique à la devise et à la source devrait être essentielle pour concevoir une politique appropriée pour tirer profit de la place financière sans exposer le pays à des risques financiers évitables. En particulier, une telle norme devrait permettre de retracer les fonds commerciaux mondiaux et d’identifier et de caractériser les créances bancaires directement financées par les dépôts du global business. Cela augmentera la transparence et permettra à la Banque de Maurice de gérer plus soigneusement les risques de la balance des paiements associés au global business.

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