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François Gemenne: «Maurice devra réorganiser son économie pour s’adapter au changement climatique»

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françois gemenne

Chercheur se spécialisant dans les questions de géopolitique de l’environnement et de gouvernance internationale en matière de migration, François Gemenne est un des auteurs du rapport du GIEC. Il répond aux questions de Business Magazine sur les enjeux du changement climatique.

Maurice ne participe qu’autour de 0,01 % aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, et les constatations scientifiques du sixième rapport d’évaluation du GIEC prévoient pour la région où il est implanté de graves répercussions d’ici les 20 prochaines années. Cela dit, un réchauffement climatique de 1,5°C risque-t-il de mener à un effondrement économique ?

Pas forcément, mais cela implique une certaine forme d’adaptation pour l’économie mauricienne. D’abord, concernant les émissions de gaz à effet de serre, le chiffre que vous avez cité, et qui constitue une responsabilité infinitésimale pour Maurice, en fait ne représente que le taux d’émissions produites sur son territoire. En réalité, il faut compter au-delà des frontières. Il faut aussi prendre en compte les émissions importées, c’est-à-dire les émissions générées par l’économie mauricienne, les émissions des touristes ou des produits importés qui ne sont pas comptabilisées pour Maurice, mais qui demeurent liées à son économie. Il faut également prendre en considération les projets qui sont financés. Par ailleurs, on sait que le pays est une plateforme régionale pour les banques et la finance. Il s’agit d’un élément important de l’empreinte carbone. Quand on raisonne en termes de responsabilité d’empreinte carbone, il ne faut pas se limiter aux émissions territoriales, mais inclure dans l’équation les émissions importées et exportées comme les potentiels projets d’énergies fossiles mauriciens financés à l’étranger. Concernant les effets du changement climatique, le pays sera très affecté notamment par la hausse du niveau de la mer, mais aussi par le blanchiment des coraux. Cela implique que Maurice va devoir réorganiser une partie de son économie pour s’adapter davantage aux conséquences du changement climatique.

Dans le cadre de sa transition énergétique, Maurice veut éliminer à l’horizon 2030 le charbon comme combustible de son mix énergétique. Est-ce suffisant ?

Ce ne sera pas suffisant. Éliminer le charbon, c’est la priorité des priorités. C’est l’énergie fossile qui est la plus polluante. Donc, l’objectif d’éliminer le charbon du mix énergétique est une mesure importante. Mais cela ne suffira pas parce que l’énergie ne représente qu’un quart des émissions mondiales des gaz à effet de serre. Ainsi, il faut aussi prendre des mesures pour le transport et concernant l’agriculture, qui sont des filières qu’il convient de cibler.

Quel doit être l’apport du secteur financier et de l’immobilier alors que le pays envisage d’accélérer sa transition énergétique ?

On sait que le secteur bancaire et l’immobilier sont assez liés chez vous. De même, la finance occupe une part de plus en plus grande dans l’économie mauricienne. La finance est un levier essentiel pour lutter contre le changement climatique. Chaque année, on investit environ 6 % du PIB mondial dans les énergies fossiles. Cette subvention se fait à la fois dans le domaine public et par le biais de financements privés. Il y a encore toute une série de projets fossiles qui reçoivent des financements privés qui sont évidemment canalisés par les banques, et c’est là je crois que les banques et la finance ont un rôle essentiel à jouer pour canaliser des investissements vers des énergies renouvelables plutôt que fossiles.

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