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Dean D’sa: «L’État peut émettre plus de dettes en devise locale pour financer la reprise»

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Dean D'sa

Dans le contexte actuel, si l’État mauricien devait émettre une euro-obligation de 10 ans en dollars américains, le taux d’intérêt se situerait probablement entre 6 % et 7 %, estime l’Executive Director de Pleion Investment Adviser.

Pour lever des capitaux en vue de financer la reconstruction, l’État dispose de l’option d’émettre des eurobonds (euro-obligations). Comment fonctionne cet instrument et quel peut être son intérêt pour l’État ?

Une euro-obligation est un titre de créance émis dans une devise autre que la devise du pays émetteur. Par exemple, si le gouvernement mauricien émettait une obligation libellée en dollars américains ou en euros, cet instrument serait appelé euro-obligation. Une fois émis, le gouvernement paierait des intérêts semestriels aux acheteurs de la dette dans ces devises et, à l’échéance, rembourserait le capital dans la même devise. L’État bénéficierait d’une levée de fonds sur le marché des euro-obligations dans le cas où il compterait dépenser ces fonds pour l’acquisition de biens dans une devise étrangère, et aussi s’il génère des revenus dans une devise étrangère afin de pouvoir rembourser la dette à l’échéance. Ce faisant, cela permettrait à l’État d’atténuer la fluctuation du taux de change de la monnaie nationale, car une couverture naturelle est intégrée à la transaction.

Le fait qu’Euroclear dessert ses services à Maurice peut-il faciliter le listing des eurobonds ?

En réalité, cela n’a aucun impact. Euroclear est une plateforme de transactions. Lorsqu’un conseiller en transactions structure une obligation pour une société ou un État, ce n’est qu’ensuite qu’il enregistre les obligations auprès d’Euroclear. Cela entraîne des coûts et il est donc logique de le faire pour les émissions obligataires dépassant une certaine taille. Il est important de souligner qu’en enregistrant les obligations auprès d’Euroclear, les émetteurs ont la possibilité de cibler un nombre plus important d’investisseurs. Par conséquent, l’émetteur doit effectuer une analyse de rentabilité (coût/avantage) pour déterminer si l’enregistrement de ses obligations auprès d’Euroclear est la meilleure option disponible.

Maurice peut-il ambitionner d’aller lever des capitaux auprès des investisseurs étrangers en cette période postCovid-19, cela sachant que le pays se trouve sur la liste noire de l’Union européenne ?

Maurice peut en effet lever des euro-obligations. Toutefois, la question qui doit être posée est: Maurice devrait-il émettre des euro-obligations ? Le taux d’intérêt que devrait payer l’État pour émettre une euro-obligation serait déterminé par la date d’échéance de l’émission, la perception du risque de crédit de Maurice et la taille de l’émission obligataire. Dans le contexte actuel, si l’État mauricien devait émettre une euro-obligation de 10 ans en dollars américains, le taux d’intérêt se situerait probablement entre 6 % et 7 %, car c’est la première fois qu’il procède à ce type d’émission de titres de créance. Si le gouvernement doit payer ce montant pour une émission en dollars américains sur 10 ans, il est logique que les entreprises mauriciennes paieront un taux d’intérêt plus élevé que celui indiqué ci-dessus. L’émission d’une euro-obligation par l’État pourrait donc avoir une conséquence négative sur le coût de l’emprunt pour les entreprises mauriciennes, qui bénéficient actuellement de taux d’intérêt bien inférieurs. De plus, Maurice a déjà une dette raisonnable en devises étrangères à des taux d’intérêt préférentiels. Je ne vois donc pas de réel besoin pour le gouvernement d’émettre une euro-obligation.

 Quelles sont les alternatives pour financer la relance économique via le marché des capitaux ?

Le gouvernement peut émettre davantage de dette en devise locale pour financer la reprise économique. Toutefois, l’approche utilisée pour émettre une obligation doit changer afin de surmonter certains des obstacles auxquels les participants à ce marché sont confrontés. Il est évident que l’émission supplémentaire de titres de créance entraînera une pression à la hausse sur les rendements des obligations émises par l’État. Une autre option consiste à émettre des obligations d’infrastructure qui fournissent des revenus non imposables aux entreprises.

«La dette souveraine africaine suscite un grand intérêt»

Peut-on lever des euro-dollars à un coût moins élevé que si on empruntait auprès des institutions multinationales ?

À la lumière des informations communiquées dans les budgets précédents, je pense que Maurice ne serait pas en mesure d’émettre une euro-obligation libellée en dollars américains à des taux d’intérêt inférieurs aux taux d’intérêt préférentiels qu’il peut obtenir de pays comme la Chine, l’Inde et le Japon.

Y a-t-il un intérêt de la part des investisseurs institutionnels pour des dettes souveraines comme les eurobonds ?

La dette souveraine africaine suscite, en effet, un grand intérêt car elle offre des rendements élevés en dollars américains dans un environnement où les bons du Trésor américain à 1 an rapportent 0,02 % et où les obligations à 10 ans génèrent 1,65 %. Bien sûr, elles comportent des risques, comme en juin 2020, lorsque des inquiétudes ont été exprimées quant au risque que les pays africains ne remboursent pas leur dette en raison de l’absence de revenus due à la propagation de la Covid-19.

Jusqu’à quel montant l’État pourrait éventuellement lever à travers des eurobonds ?

Il est difficile de dire combien Maurice pourrait émettre. Par contre, pour émettre une euro-obligation, il faut généralement une taille d’un milliard de dollars américains pour assurer la liquidité, et pour correspondre aux mandats des grands fonds de pension et des compagnies d’assurances. Maurice pourrait facilement émettre une euro-obligation d’un milliard de dollars pour des dates d’échéance de 5 ou 10 ans, mais je ne vois pas pourquoi il devrait le faire. Pour une échéance de 5 ans, j’estime que le rendement d’une obligation du gouvernement mauricien en dollars américains serait d’environ 3,5% dans le meilleur des cas. Cependant, il pourrait atteindre 4,5 % car il s’agirait de la première émission, et aussi compte tenu des conditions difficiles auxquelles le pays doit faire face pour se remettre de la Covid-19, de la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), et de la liste noire de l’Union européenne et du risque anticipé d’une dégradation de la note de Moody’s. Dans l’hypothèse d’un taux d’intérêt de 3,5 %, cela représente 2,7 % de plus qu’une obligation du gouvernement américain avec une même date d’échéance. De plus, je pense qu’il serait difficile d’obtenir un taux d’intérêt supérieur à 2,5 % pour un dépôt de 5 ans en dollars américains de la part des banques commerciales locales. De ce fait, si le gouvernement mauricien émettait une euro-obligation, il semble évident qu’une grande partie des devises étrangères présentes dans le système bancaire local voudraient se déplacer vers l’euro-obligation. La raison est que le rendement de l’euro-obligation à 5 ans serait plus élevé que celui d’un dépôt à 5 ans dans une banque sur le marché local. Toute activité de ce type entraînerait une sortie de dollars américains des banques locales et, par conséquent, une hausse significative du coût des emprunts en dollars américains pour les entreprises. Cet impact négatif est l’une des raisons pour lesquelles je remettrais en question le principe de l’émission d’une euro-obligation par l’État mauricien. Le même problème s’est posé au Kenya lorsque le pays a émis sa première euro-obligation et que le gouvernement a dû restreindre la participation locale à l’émission; l’objectif était de faire entrer des devises étrangères dans le pays par le biais de l’euro-obligation.

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