Budget 2018-19 – Pravind Jugnauth joue son va-tout

Il a déjà prouvé qu’il est un homme de vision en faisant fi des lobbys et en persévérant sur certains grands projets qui cadrent avec sa vision. Prouvera-t-il cette fois qu’il est un homme de défis ?

},

Pravind Jugnauth a promis qu’il donnerait une nouvelle trajectoire à la croissance. Mais il présentera le Budget dans un contexte particulièrement douloureux pour certaines composantes de l’économie. Il a deux défis majeurs et urgents à relever concernant le secteur sucrier et l’industrie dans son ensemble – incluant les entreprises exportatrices et les Domestic-oriented enterprises. Saura-t-il trouver les solutions adéquates pour dynamiser ces deux secteurs sans nuire aux intérêts des stakeholders ? Le défi est de taille, mais c’est justement dans cet exercice d’équilibriste qu’on jugera de quel métal il est fait, s’il a peur de relever des défis ou s’il préfère botter en touche et remettre à plus tard. Albert Camus disait que l’homme se mesure face à l’obstacle. Celuilà est réellement dangereux pour l’économie car l’effondrement du secteur sucrier est une option difficilement envisageable. Et les pressions viennent de toutes parts, du secteur privé comme des syndicats et employés. Le Premier ministre et ministre des Finances devra miser sur sa capacité de discernement pour remettre ce secteur sur les rails. Si rien n’est fait, le sucre mauricien sera en situation de quasi-mort. À l’échelle mondiale, les prix s’effondrent et avec des coûts de production en perpétuelle hausse, le secteur a perdu de sa compétitivité et les planteurs abandonnent leurs champs. Tout un pan de l’économie risque de s’écrouler si aucune solution sérieuse n’est envisagée.

Il a un deuxième secteur à relancer: l’industrie manufacturière qui est en déclin. Les exportations textiles ont chuté de 10,8% l’année dernière, tandis que l’industrie manufacturière locale est à bout de souffle. Il faut à tout prix protéger la base industrielle du pays. Sans production et sans ressources naturelles, un petit pays comme Maurice, qui plus est ouvert sur le monde, n’a que très peu de chances de survie face à de plus grandes nations. Tout cela dans un contexte mondial où la globalisation a prouvé ses limites, où le protectionnisme refait surface et où le prix du pétrole continue de grimper.

CONTEXTE PRÉÉLECTORAL

},

Le Premier ministre joue son va-tout avec ce Budget, l’avantdernier avant les élections, dit-il. Outre les défis économiques, pour lui, les enjeux sont tout autre. Le Budget est un puissant outil pour démontrer sa capacité à moderniser le pays. Saura-t-il saisir cette chance ? L’année dernière déjà, il avait marqué les esprits avec le Negative income tax et le salaire minimum, deux petites révolutions qu’il a tenues à mettre en œuvre et mener à bon port. Sur un autre plan, l’enjeu budgétaire est personnel pour le Premier ministre. Après une première année de tâtonnements au poste suprême, marquée par des scandales divers et des tergiversations pour mettre bon ordre dans les affaires de l’État, il a entamé une nouvelle ère depuis plusieurs mois voulant démontrer que sa priorité sera le développement de projets. Avec l’aide de son fidèle lieutenant, Nando Bodha, urbaniste et ministre des Infrastructures publiques, Pravind Jugnauth s’est lancé dans une pléthore de projets routiers et infrastructurels, visant à transformer le pays. Le Metro Express et les projets infrastructurels constitueront, selon lui, l’épine dorsale de l’économie pour les années à avenir. Parallèlement, il y a eu un remue-ménage au niveau de son entourage proche avec l’arrivée de nouveaux conseillers. L’homme veut s’imposer et se construire une image de chef d’État. Il sait pertinemment qu’il lui faudra un bilan à présenter aux prochaines élections, un bilan personnel de ses réalisations à la tête du pays et accessoirement un bilan pour le MSM – malmené depuis 2014 par moult scandales – qui cherchera à se maintenir au pouvoir par tous les moyens.